L’exhortation La joie de l’Évangile du pape François, et en particulier les deux savoureux paragraphes qu’il consacre à la prédication (n. 135-159), a remis au goût du jour, du côté catholique, l’intérêt pour l’homélie liturgique. Car celle-ci vaut la peine, les prédications mêmes de l’évêque de Rome le montrant à l’envi. Elle aide à mettre le Seigneur et les membres des assemblées en relation et à choisir comment ils souhaitent poursuivre leur conversation intime. Elle signifie aux auditeurs le plaisir que Dieu éprouve à s’adresser à eux et à les prendre dans ses bras, entre l’étreinte première du baptême et l’ultime du Royaume.
Un art à cultiver
Comment préparer l’homélie? Comment la rédiger? La prononcer? La renouveler, par exemple lors de grandes fêtes? L’expérience de vingt-cinq années d’enseignement homilétique à la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg, étoffée à l’occasion de diverses sessions de formation continue, m’a montré que l’art de la prédication se cultivait et se travaillait comme un instrument de musique ou une activité sportive. C’est dans le silence de la lectio divina que s’engendre l’intuition centrale -le premier eurêka, dit l’homiléticien Fred Craddock dans Prêcher- pour en apprendre «la langue maternelle», quand à la contemplation des textes bibliques, qui nous marquent au fer rouge, s’adjoint celle de l’assemblée. Pour le second eurêka, c’est à tâtons que le prêcheur cherche le langage qui sonne juste, cisèle les mots tels un poète ou un sculpteur qui enlève le marbre superflu jusqu’à ce qu’apparaisse la sculpture. «Simple, claire, directe, adaptée»: ainsi décrivait déjà Paul VI l’homélie dont les fidèles reçoivent beaucoup de fruits dans Evangelii nuntiandi, l’exhortation apostolique sur l’évangélisation dans le monde moderne (1975).
Bien des prédications souffrent d’un déficit de construction –si nous les comparons aux plaidoiries juridiques– tel le sermon «têtard», avec un début immense et une finale trop brève. Au fond, précise le pape François, une bonne homélie comporte «une idée, un sentiment et une image» (La joie de l’Évangile, n. 157), selon les trois principales qualités que lui attribuait un petit plaisantin: «Un sermon doit être court, bref, et… pas long.» Toutes les techniques de communication (prononciation, intonation, gestes…) et les richesses possibles de créativité et de renouvellement sont à mettre à profit, sans jamais tomber dans les effets de manche ni les excès de certains télévangélistes. Rien ne vaut le naturel ni l’authenticité, et les auditeurs sentent tout de suite si nous leur parlons vrai, d’expérience, en témoins nous-mêmes brûlés par le feu de la Parole.
Des homélies nourrissantes
C’est donc vers une sorte d’«homilétique d’engendrement» que sont conduits les prédicateurs, prêtres (évêques), diacres et laïcs (pour toutes les célébrations non-eucharistiques), c’est-à-dire amenant les fidèles à se laisser surprendre par l’Esprit et enfanter à leur identité humaine et spirituelle, y compris lors de liturgies de baptêmes, mariages ou funérailles. Par un style parabolique et métaphorique, à la manière de Jésus, inscrit dans la réalité des familles et des assemblées concernées, les prédicateurs peuvent essayer de rejoindre chaque destinataire, à condition de répondre aux questions que celui-ci se pose vraiment et de lui fournir une nourriture pour la route.
François va même jusqu’à parler d’un caractère «quasi-sacramentel» de l’homélie (La joie de l’évangile, n. 142). Elle est un lieu d’action de la grâce, de présence «réelle» du Seigneur à son peuple, de communication transformante de la Bonne Nouvelle, invitant à la conversion et jetant des lumières sur le sens de l’existence.
Pour un agent pastoral qui chemine plusieurs années avec les mêmes communautés, elle peut être vécue comme une sorte d’«accompagnement spirituel collectif». Aussi est-il opportun de susciter après la célébration les échos des confrères et paroissiens, notamment lors de «cafés-forums homilétiques» ; mais aussi de préparer à plusieurs la prédication dominicale, dans un groupe biblique, une cellule paroissiale de base, un cercle de prière ou l’équipe pastorale.
L’on pourrait croire que tout a déjà été écrit et dit sur la place de la Parole de Dieu dans la vie de l’Église. Eh bien non! Ce second ouvrage de l'Abbé Amherdt recense 120 pistes, dont certaines sont bien connues, mais d’autres pleines de créativité. C’est surtout les lieux de la présence de la Parole de Dieu qui sont questionnés. En effet, il parait évident à chacun que l’Écriture soit présente dans la liturgie et les groupes bibliques, mais qu’en est-il de la diaconie et de l’interreligieux par exemple? Bien sûr divers groupes bibliques ont fleuri depuis Vatican II, mais l’on s’aperçoit vite que, même en catéchèse, on parle le plus souvent du texte biblique en oubliant de le laisser résonner et agir.
François-Xavier Amherdt
L'animation biblique de la pastorale:
120 propositions pratiques
coll. Pédagogie pastorale n°12
Namur, Lumen Vitae 2017
S’appuyant sur le Magistère, et plus particulièrement sur un des textes clés de Vatican II, Dei Verbum, ainsi que sur Verbum Domini du pape Benoît XVI et Evangelii Gaudium du pape François, l’auteur affirme que la Parole lue, accueillie et mûrie devient «matrice inspirante pour la vie et la pratique pastorale» et que c’est le texte biblique qui doit animer toute la vie ecclésiale. Cette confrontation entre la Parole biblique et la vie réelle est de la responsabilité de toutes les communautés.
Les 120 pistes présentées, boîte à outils pour tel contexte ou telle circonstance, vont de la simple information sur ce qui peut être vécu à des pistes méthodologiques, pédagogiques et pratiques plus fouillées, en passant par des souhaits adressés à l’autorité ecclésiale. Le tout est illustré par l’expérience de plus de 30 ans de l’ABC, Animation Biblique Catholique de Suisse romande.
Comment faire pour que la pastorale prenne une «allure évangélique»? Placer la Parole au centre de toute la vie de l’Église, vivre de l’Évangile et en rayonner!
Anne Deshusses-Raemy