Pour le philosophe, l’indignation révèle un désir de justice légitime dans une société qu’il considère moins comme une démocratie recherchant le consensus qu’«un espace public […] où nous ne cessons de nous provoquer, de nous appeler».
Nous, peuple d’accusateurs?
Le philosophe analyse dans cet essai le concept de scandale en relation avec la juste réponse à apporter face aux provocations qui ne cessent de surgir. D’une part, les scandales peuvent augmenter l’influence citoyenne sur la vie politique, mais d’autre part, leur succession peut aussi mener à un pessimisme moral antidémocratique. Les provocations peuvent pousser à la réflexion par le rire ou l’art, ou à l’agacement, à l’image de certains débats politiques abscons. Cette ambivalence, dit l’auteur, est contenue dans le concept même du scandale, qui a une dynamique à la fois collective et individuelle.
L’auteur rappelle aussi la puissance avec laquelle le conformisme peut opérer au sein de la société et cela dans n’importe quel domaine. Il prend l’exemple de la politique, où la recherche d’un consensus peut évacuer toute autre aspiration; de l’économie, envisagée sous l’angle d’un consumérisme effréné et égoïste; ou encore du juridique, en considérant un droit figé et injuste. Une partie de l’essai est consacré au cas particulier du scandale écologique. Les marées noires, accidents nucléaires ou incendies de forêts ne sont que le reflet d’un commerce maritime difficilement régularisable, de centrales nucléaires indispensables mais impossibles à sécuriser complètement, et d’une déforestation constante qui fait fi des protestations. Ces scandales écologiques ne sont en définitive que les manifestations d’un mode de vie privilégiant la recherche d’une perpétuelle croissance et d’une production qui ne permet pas le respect des normes écologiques.
L’ouvrage de Jérôme Lèbre n’est pas un mode d’emploi permettant de trouver des réponses «clés en main» aux scandales et provocations qui ne cessent d’émerger. Il est le miroir de ce que la population exige dans un espace commun appelé démocratie. Cette dernière étant, pour l’auteur, un mode d’existence en soi.
Ce livre a aussi été lu par l'économiste Étienne Perrot sj (membre de notre conseil de rédaction). Sa critique a été publiée dans notre édition 694, de janvier-mars 2020. Chaque édition de choisir propose en effet à ses abonnés une sélection de recensions d'ouvrages.