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mercredi, 14 octobre 2020 18:54

Vladivostok Circus

Écrit par

dusapinAprès la Corée et le Japon, la franco-coréenne Elisa Shua Dusapin nous entraîne pour son troisième roman en Russie, immense pays, mais visité ici dans le cadre restreint des alentours décrépis et gris d’un cirque déserté par les artistes, en attendant la reprise des représentations. Le cœur du récit se situe de fait ailleurs. Il l’est dans la rencontre et l’évolution des relations de cinq personnages, qui cohabitent et travaillent ensemble, le temps d’un automne, pour préparer un numéro exceptionnel à la barre russe.

Vladivostok Circus (Zoé 2020, 174 p.) a été retenu dans la première sélection du Prix Femina 2020 et est en lice pour le Prix Femina des Lycéens 2020.

Leur but: remporter un prestigieux concours international, en présentant quatre triples sauts périlleux à la file, en l’air et sans filet. Il y a là Nathalie, une jeune costumière  belge, Léon, le metteur en scène canadien, et le trio de voltigeurs russes, Anton, Ninon et Anna. Comment concilier leurs différences, dépasser leurs mécompréhensions et peurs, pour aboutir dans les temps impartis à un numéro harmonieux et précis où la confiance est de mise, toute erreur pouvant s'avérer mortelle?

Diplômée de l’Institut littéraire suisse de Bienne, la jeune romancière (28 ans) du Jura a une «obsession» bien à elle: elle aime décortiquer -avec sensibilité, empathie et pudeur- les difficultés et les apports des rencontres interculturelles, vues à travers des courtes tranches de vie passées à l’étranger de ses personnages, dans des cadres pour le moins improbables. Elle a aussi une jolie plume déjà reconnaissable: des successions de phrases courtes, percutantes par tout ce qui qu’elles ne disent pas, comme autant de silences à combler et à habiter (voir aussi la recension de Les Billes de Pachinko, in choisir n° 692.)

Récit imagé, mis en scène avec maîtrise, dans une accélération finale qui nous offre l'expérience du trac sur un plateau, Vladivostok Circus laisse une place au lecteur, à ses propres interprétations, et c'est très appréciable.

À lire aussi la nouvelle inédite d'Elisa Shua Dusapin écrite pour notre revue, et qui mène cette fois le lecteur au Ladakh: Le chemin du Zanskar.

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