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jeudi, 06 mai 2021 10:01

Le NT sans tabous

Simon ButticazLire les Écritures interroge et souvent déconstruit, ce n’est jamais une entreprise de tout repos. Le lecteur n’est pas maître du texte. Car lire avec un esprit critique signifie évaluer, discerner, choisir. La critique n’étant pas polémique  -elle examine plutôt qu’elle ne distribue les bons ou les mauvais points- l’auteur, professeur de Nouveau Testament et de transitions chrétiennes anciennes à l’Université de Lausanne, insiste dans cet ouvrage sur le fait que «foi et compréhension» font cause commune. La foi revendique une connaissance de l’humanité. Lire les Écritures, c’est donc aussi accepter un détour par l’ailleurs: le monde des premiers chrétiens ou de l’Israël, un monde qui n’est pas superposable au nôtre.

Simon Butticaz, Le Nouveau Testament sans tabous, Genève, Labor et Fides 2019, 192 p.

En sept chapitres, Simon Butticaz nous conduit donc à évaluer, discerner, choisir. Dans le premier, il est rappelé qu’au début du christianisme, le monothéisme, sans rite ni Temples, était fort suspect… Le consensus collectif en matière de rites était blessé, voire en danger. L’intolérance du monothéisme sonnera la charge dans les siècles suivants à travers de grands noms (chapitres superbement présentés avec la quête identitaire d’une jeune Église.) Jésus, écrivait Jürgen Moltmann, était folie pour les sages, scandale pour les hommes pieux et trouble-fête pour les puissants.

Le chapitre concernant l’esclavage est à lire et à relire! Face au colosse de l’immense Empire romain, les poignées de croyants en Jésus ne faisaient pas le poids! Paul subordonne alors l’affranchissement des serviteurs à un bien suprême, l’appartenance au Seigneur: «Il n’y a ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, il n’y a pas de masculin et féminin, tous vous êtes un en Christ.» Ainsi chaque croyant, maître ou autre, est renvoyé à sa responsabilité… Nul magistère ne peut lui dicter un ordre de marche. Un long chapitre d'ailleurs est consacré à saint Paul. Au début du christianisme, il a mauvaise presse… En Occident, on le juge autoritaire, colérique, misogyne et antisémite. Voyons et découvrons-le avec un esprit critique, propose l’auteur, en gardant en tête ce qu’étaient les valeurs ambiantes de l’époque, culturelles et rhétoriques, dont la chrétienté et l’Occident mettront des siècles à s’affranchir.

Autre chapitre: les mœurs sexuelles au sens large (contraception, avortement, divorce, homosexualité) divisent la morale chrétienne et les synodes s’en font les caisses de résonance. Paul nous dit: Jésus le Messie est à l’avant-garde d’une humanité nouvelle où l’on ne jauge plus la valeur d’une vie sur son origine ethnique, son statut social et son genre. Les cloisons qui hérissaient les rapports humains dans l’Antiquité romaine doivent être battues en brèche. Paul serait le responsable de la séparation des chemins entre l’Église et la Synagogue, le fondateur des Églises d’incirconcis, d’une religion nouvelle: le christianisme. Si Jésus annonçait le royaume, c’est bien avec Paul que l’Église est venue. Mais ce dernier n’a pas oublié pas que c’est sur l’histoire des juifs (empreinte indélébile de la promesse de Dieu) que sont greffés les chrétiens d’origine non juifs.

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