On le sait, l'hospitalité eucharistique, spécialement entre catholiques et protestants est un sujet sensible, tout particulièrement dans un pays comme la Suisse, très marqué par la division confessionnelle de la Réforme.
Fruit d'un long travail de recherche en droit canonique, l'ouvrage volumineux de Georges-Henri Ruyssen, jésuite belge, servira sans doute d'instrument de travail sur le sujet. L'auteur a rassemblé quasiment tous les documents officiels de référence concernant la communicatio in sacris, c'est-à-dire la participation à un culte liturgique quelconque ou même à des sacrements d'une Eglise ou d'une communauté ecclésiale, soit au niveau universel du Magistère romain, soit au niveau des conférences épiscopales de plus de 25 pays d'Asie, d'Afrique, des deux Amériques et d'Europe.
Ruyssen clarifie en premier lieu le sens des termes utilisés : intercélébration, intercommunion, hospitalité eucharistique généralisée ou limitée. Il expose ensuite et commente trois attitudes différentes : la communion « fermée » des Eglises orientales séparées (de Rome), orthodoxes pour la plupart, la communion « ouverte » généralisée des Eglises et communautés ecclésiales issues de la Réforme et la communion « limitée », « conditionnée » de l'Eglise catholique-romaine.
Il retrace ensuite en détail cette dernière, depuis le changement opéré au concile Vatican II, jusqu'aux derniers rappels de cette position d'hospitalité très limitée dans les documents récents (Dominus Jesus ou d'autres) et dans les normes particulières édictées par les conférences épiscopales.
Cet immense travail mérite d'être salué pour sa rigueur et son exhaustivité. On n'attendra pas d'un tel ouvrage des « ouvertures », mais seulement le rappel précis des normes et leur signification. Georges-Henry Ruyssen a mis en exergue de son gros livre une citation d'un Père de l'Eglise arménienne, Nersès de Lampron (1152-1198), qui fut un infatigable promoteur en son temps de l'oecuménisme entre Arméniens et Byzantins, divisés aussi sur le pain eucharistique. Le texte de Nersès dit en substance que les uns et les autres mangent le même pain (ordinaire) sans scrupule, « mais quand nous rappelons dessus le nom du Christ et que nous en faisons son corps par une même bénédiction, l'Arménien répugne à participer dans le sacrifice béni du Grec et le Grec dans celui de l'Arménien ; désormais nous méprisons ce pain les uns des autres ».
L'engagement oecuménique de saint Nersès, transposé aujourd'hui, ne pourrait-il pas guider les pasteurs de nos Eglises respectives à éclairer les gens en tenant compte des situations particulières et en respectant le cheminement des consciences et les réalités de nos Eglises locales ?