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mardi, 04 décembre 2018 11:12

Les Idoles

idoles HopnoreChristophe Honoré, écrivain, cinéaste, metteur en scène, a construit avec Les Idoles un spectacle théâtral de 2h30 sur le thème du sida, qui raconte «comment le sida brûla mes idoles», dans l’hécatombe des années où artistes, intellectuels et simples inconnus tombèrent les uns après les autres. Au Théâtre de Vidy, où a eu lieu la création, dans une fougue communicative et un talent sans failles, six comédiens et une comédienne de haut vol ont incarné ceux qui sont morts et dont restent les œuvres.

Ceux qui l’ont dit publiquement, ceux qui ne l’ont pas dit… C’est une forme de théâtre engagé, qui sublime ceux qui sont disparus, loin de la portée, cependant, de l’œuvre culte Angels in America de Tony Kuchner, chef-d’œuvre qui a élargit son spectre bien au-delà du sida en brossant une fresque de l’Amérique des années 80.

À retrouver ou découvrir à L’Odéon théâtre de Paris, du 11 janvier 2019 au 1er février.

Nous sommes donc plongés dans la vie, les amours, la création, les souffrances de Cyril Collard, Bernard-Marie Koltès, Hervé Guibert, Jean-Luc Lagarce, Serge Daney chantre du cinéma, qu’on a tellement lu dans Libération, et… Jacques Demy. Avec des textes qu’ils ont écrits, des interviews qu’ils ont données. Le cinéaste enchanté des Parapluies de Cherbourg était donc lui aussi homosexuel? se dit-on. Lui qui en mourra en 1990. Voilà ce que l’on sait aujourd’hui, mais que Jacques Demy n’avait jamais voulu révéler, pensant que cela faisait partie de sa vie très privée et que c’était son secret. La compagne de sa vie, la cinéaste Agnès Varda, qui le soigne et le filme jusqu’au bout, le révélera bien plus tard, en 2008. L’aurait-elle fait sans la pression de l’opinion gay, pour qui dire sa maladie est une victoire sur l’opprobre et un combat? Voilà sans doute l’un des points de réflexion les plus intéressants de ce spectacle, par ailleurs beau et dramatique. Comme l’est la lecture de ce texte déchirant de Michel Foucault sur la mort de Robert Musil -qui n’était pas homosexuel- à qui il avait consacré un livre.

Dire ou ne pas dire pose la question de la transparence, «motto» démocratique, en train d’envahir tous nos actes, qui plus est amplifiés par les réseaux «sociaux» et les médias. N’a-t-on plus droit au secret? À la pudeur personnelle? Au libre arbitre?

Christophe Honoré tempère le propos: «(…) Ce n’est pas un tabou pour moi. C’est tabou pour des tas de gens. J’ai eu des amis malades, pour qui l’obsession était que ça ne se sache pas (…).» Mais notre époque n’est pas nuancée et porte la transparence des actes dans une logique qui rappelle les auto-dénonciations forcées à l’ère chinoise des gardes rouges pendant le règne Mao. Je pense toujours à ces pancartes de bois auto-accusatrices accrochées au cou des pénitents politiques quand je lis dans les médias que tel ou telle fait son coming out… Bien que le sens en soit différent. Le spectacle est à voir pour toutes ces raisons et pour cette méditation sur la fin, notre fin. Comme le chantent les Doors: «When the music is over, turn off the light.»

Les idoles photo Jean Louis FernandezLes Idoles
de Christophe Honoré
à L’Odéon théâtre de Paris,
du 11 janvier 2019 au 1er février.
Le spectacle sera ensuite en tournée dans tout la France.
Plus d'infos sur http://lesindependances.com/projects/les-idoles

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