Pierre Jovanovic a failli mourir d’une balle de sniper. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’incident ne s’est pas passé dans un pays en guerre quelque part dans le monde, mais sur une autoroute de la Silicon Valley, en Californie. L’ancien reporter au Quotidien de Paris s’est jeté sur sa gauche une fraction de seconde avant que la balle ne percute le pare-brise en face de la place passager où il était assis. Ce genre d’incident n’est, paraît-il, pas rare aux Etats-Unis. Des individus s’amusent depuis des ponts traversant les autoroutes à tirer au hasard sur les automobilistes.
Pour le journaliste français d’origine serbe, ce fut le point de départ de presque cinq ans de recherche, de lectures et de rencontres. Paru en 1993, son livre Enquête sur l’existence des anges gardiens est un énorme succès, constamment réédité depuis et traduit dans de nombreux pays.[2] Mais contrairement à ce que certains peuvent penser, il ne s’agit pas ici d’un énième ouvrage new-age.[3] Ce livre s’adresse à tous ceux qui doutent des anges, des dons du ciel, des miracles ; aux méfiants, aux sceptiques, aux athées, autrement dit à la majorité des gens aujourd’hui. Il s’agit d’une enquête, au sens étroit du mot. De manière approfondie, Pierre Jovanovic montre que les anges ne sont pas une simple légende mais une réalité.
De manière plus élargie, son livre est un véritable inventaire des réalités surnaturelles : visions, apparitions mariales (Fatima), stigmates (Padre Pio, Georges Faniel, etc.), extases, lévitations (Catherine de Sienne), bilocation, incorruptibilité des corps (Thérèse d’Avila, Marie Madeleine de Pazzi, etc.), vues à distance, lectures des âmes, guérisons inexplicables, objets miraculeux (médailles, etc.). Tous ces faits sont dûment documentés et certifiés (témoignages, rapports médicaux, enquêtes du Vatican, etc.).
Témoignages troublants
Les anges gardiens existent-ils ou sont-ils le simple produit de l’imagination humaine ? Voilà la question à laquelle l’enquête cherche à répondre. La première partie est basée sur les récits de témoins recueillis par des médecins, de personnes ayant rencontré leur ange gardien lors d’expériences aux frontières de la mort, suite à un accident, à une maladie grave ou à une tentative de suicide, et ayant miraculeusement survécu à leurs blessures : des enfants, des adultes, des femmes, des hommes, des croyants et des athées, de tous milieux et de toutes cultures.
Revenues de la mort, ces personnes racontent avoir vu une lumière brillante, traversé une sorte de tunnel, rencontré leur ange gardien. Les très nombreux témoignages rassemblés par Jovanovic se recoupent et donnent des éléments récurrents.
En voici un exemple particulièrement frappant : cela se passe en 1982. Une enfant âgée de sept ans, hospitalisée à la suite d’une noyade, ne donne plus aucun signe cardiaque et cérébral pendant plus de dix-neuf minutes. Elle est pourtant ramenée à la vie et rétablie sans aucune séquelle. Une telle chose est impossible médicalement parlant. Au médecin, elle raconte qu’elle a rencontré le Père céleste et le Christ, qui lui ont demandé si elle voulait retourner chez ses parents. Chose encore plus étonnante, l’enfant donne des descriptions avec des détails précis de ce qui s’est passé pendant l’intervention. Voici ce que dit son médecin : « Un petit détail m’a donné la preuve qu’elle ne mentait pas, celui du tuyau que je lui avais placé dans le nez. Je considère ce détail comme une preuve irréfutable parce que la majorité des médecins n’intubent pas de cette façon. »
D’expérience
Ma mère a fait une expérience semblable, bien que moins explicite. En août 2012, elle a eu un grave accident au col de la Furka. Mon oncle et elle voulaient s’arrêter prendre un café dans un restaurant de montagne. Or leur voiture ne s’est pas immobilisée sur l’aire de stationnement, mais a poursuivi sa route, dévalant une pente fortement inclinée sur plus de 600 mètres. Mon oncle y a laissé sa vie. Ma mère, qui avait déjà détaché sa ceinture, a été éjectée du véhicule. Elle a atterri sur un petit terrain plat, près d’un ruisseau, alors que la voiture poursuivait sa chute mortelle jusqu’au fond du ravin.
Les médecins ont constaté une simple fracture du bassin. Aucun organe vital n’a été touché. Comment a-t-elle pu s’en sortir alors que le véhicule a probablement fait plusieurs tonneaux ? Ni la police, ni les médecins n’ont pu l’établir. Il n’y a pas d’explication rationnelle. Elle en a réchappé miraculeusement.
Plus tard, elle m’a raconté que lors de l’accident, elle était couchée sur un nuage. Un calme profond et un bienêtre total l’avaient envahie. Elle voyait tout ce qui se passait autour d’elle. On peut légitimement penser que c’est ce nuage qui l’a doucement posée à terre alors qu’elle croyait qu’elle était arrivée à la fin de sa vie. Cette expérience surnaturelle, elle ne l’a racontée à personne par peur de passer pour une folle. Et on la comprend.
Ma mère n’a pas eu besoin de lire Jovanovic pour comprendre que ce qu’elle avait vécu était vrai. Elle n’a pas eu besoin de preuves puisqu’elle est croyante, catholique. Ma mère croit à son ange gardien. Elle porte toujours sur elle un Agnus Dei béni, hérité de son père, afin de la préserver des maladies, des dangers et des maléfices.
Besoin de preuve
Mais l’homme nouveau ne croit plus en Dieu. Il ne croit plus ni au ciel, ni aux anges, ni à l’existence du Diable et du mal, pas plus qu’aux miracles. Il ne croit plus qu’en lui-même, à sa capacité de jouissance (et de nuisance). Le but de l’existence moderne est le con - fort et l’assurance matérielle. L’homme nouveau a abandonné l’ordre surnaturel et ne poursuit plus que des fins temporelles. Or une civilisation sans Dieu est une civilisation morte. Il n’y a pas de liberté en dehors de Dieu. L’homme est faible ; il ne maîtrise rien ; il souille tout.
Ma mère n’a pas besoin de preuves pour croire aux miracles. Ce n’est pas le cas de Jovanovic. A partir de ce qu’il lui était arrivé sur une vulgaire autoroute en Californie, comme si cela n’était pas déjà en soi une preuve suffisante, il a cherché à prouver l’existence des anges gardiens. Les croyants savent, les autres cherchent à comprendre. Jovanovic voudrait comprendre. Et il s’adresse avant tout à ceux qui ne croient en rien, à ceux qui, comme saint Thomas, ne peuvent pas croire sans voir.
Heureusement pour lui - et pour nous ! - cette enquête le mène très loin, au cœur du christianisme brûlant, c’est-à-dire au cœur de la souffrance. Interrogé par le journaliste, la thanatologue[4] Elisabeth Kübler-Ross déclare : « Souffrir aide à grandir, à progresser vers la lumière, pour être comme le Christ. » L’enquête devient véritablement passionnante quand son auteur passe du commun des mortels (les accidentés et rescapés miraculeux) aux saints, aux martyrs, aux prophètes, en fournissant une foule d’exemples concrets, bien documentés et certifiés. Il tisse, par exemple, des parallèles entre la décorporation de l’enfant citée plus haut et l’expérience de la visionnaire allemande Thérèse Neumann (1898-1962). Durant trente-neuf ans et jusqu’à sa mort, cette dernière, qu’on appelle la « stigmatisée de Konnersreuth », n’a rien mangé à part l’hostie. De nombreux rapports médicaux le confirment. Celle qui revivait la Passion du Christ tous les vendredis, devint paralysée et perdit la vue, puis la recouvra le jour de la béatification de sainte Thérèse de Lisieux et guérit de sa paralysie le jour de sa canonisation.
Autre exemple stupéfiant : les apparitions de Garabandal, un coin perdu d’Espagne. Dès 1961, et pendant trois ans, des phénomènes d’ordre surnaturel y survinrent régulièrement. Un jour, quatre gamines tombèrent en extase à la vue de l’ange. Il existe des documents filmés où, selon Jovanovic, on remarque que les fillettes « tombent à genoux, sortent la langue et déglutissent ». Mais nulles traces d’hostie. Il est précisé qu’en raison de l’absence de prêtre, les fillettes recevaient l’hostie des mains de l’archange saint Michel et que « cela déclencha le doute, [...] par ce que seul le prêtre “humain” pouvait donner la communion selon le dog me ». Il y a également cette déclaration foudroyante faite à une des gamines par l’archange lui-même : « Notre Seigneur rendra l’hostie visible afin que les gens voient et croient. » Et le 18 juillet 1962, l’hostie se matérialisa devant une foule immense.
Foi et raison
La Vérité de Dieu ne peut être validée scientifiquement. Ceux qui croient n’ont pas besoin de preuve. « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru » (Jn 20,29). Parole du Christ. Si on pouvait prouver l’existence de Dieu, la foi y perdrait beaucoup de sa force, car à quoi servirait-il de croire en Dieu si on savait qu’il existe ? Il n’y a pas besoin de croire au soleil puisque tout le monde sait qu’il existe. Toutes les découvertes de la science sont vraies. (Ce qui ne signifie nullement qu’elles soient bonnes.) Nul besoin ni de les mettre en doute ni de vouloir y croire. Mais la foi seule est certaine.
Jovanovic fait assurément partie de ceux qui pensent que la foi et la raison ne sont pas incompatibles. C’est déjà beaucoup en cette époque de négation permanente de Dieu. C’est cela qui rend son livre particulièrement intéressant. La raison, si elle est bien appliquée, ne peut qu’aboutir à la conclusion de l’existence de Dieu. Comme il est écrit dans l’épître aux Hébreux, la foi est la preuve des réalités qu’on ne voit pas. Une réalité extérieure à notre monde, mais qui se manifeste par des interventions miraculeuses qui sont autant de manifestations de Dieu, du Christ et de la sainte Vierge,[5] ici et maintenant, destinées à nous soutenir, à nous secourir et à nous protéger. Mais aussi à susciter les âmes prédestinées, les âmes qui brûlent, afin de nous rappeler qu’on veille sur nous, et pour que les hommes se rapprochent de Dieu en toute humilité, car de leur vie dépend leur salut.
Mon seul point de désaccord avec ce livre est le fait qu’il n’aborde pas les attaques de Satan auxquelles sont exposés la plupart des saints. Padre Pio en a fait état à ses directeurs spirituels, dans des lettres où il affirme que Satan, pour le tenter, lui apparaissait sous des formes les plus diverses. Jovanovic trouverait là suffisamment de matière à une nouvelle enquête !
Cette remarque ne saurait néanmoins minimiser l’extrême pertinence de son travail. Personne ne peut prouver que Dieu existe, ni d’ailleurs qu’il n’existe pas. Jovanovic compris. Mais après avoir lu son livre, comment penser qu’il n’existe pas ? C’est là chose impossible.
[1] • Avec une formation en cinéma et en ethnologie européenne. Lars Klawonn se consacre actuellement à divers projets littéraires. (n.d.l.r.)
[2] • Version poche, Paris, J’ai lu 2004, 508 p. (n.d.l.r.)
[3] • Né à partir des années 60, le mouvement new-age est une approche individuelle et éclectique de la spiritualité qui s’inscrit à l’opposé de la révélation chrétienne. Il est régi par un principe d’abstraction. Les anges sont des guides de lumière, le Christ, une énergie, un principe plutôt qu’une personne, etc. Le but est l’éveil individuel, l’accomplissement personnel au moyen d’expériences intérieures et non pas d’une vie humble, menée dans la confiance en Dieu. Le livre de Jovanovic ne comporte pas d’erreur dogmatique. Ses constats et analyses s’inscrivent dans le christianisme.
[4] • La thanatologie est l’étude des signes, des conditions, des causes et de la nature de la mort. (www.larousse.fr). (n.d.l.r.)
[5] • Le 16 février 1990, la Vierge Marie est apparue à un groupe de paroissiennes à Mali Lošinj, en Croatie. Ses apparitions se poursuivent (www.kraljicaljubavi.hr).