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jeudi, 19 décembre 2013 11:24

Une conduite

Rouet 44754Albert Rouet, L'étonnement de croire, Ivry-Sur-Seine, de l'Atelier 2013, 188 p.

Par un regard pertinent sur le monde actuel, Mgr Rouet, évêque émérite de Poitiers, analyse les causes qui génèrent l'indifférence dans tous les domaines : politique, société, religion, etc. Un sentiment d'insécurité saisit l'individu bouleversé par les mutations de toutes sortes. Livré à lui-même, seul parmi les autres, il peine à faire un choix libre et protège sa sphère individuelle. Se méfiant des intrusions extérieures, il se replie sur lui-même, ce qui accroît sa solitude : « Libre, il revendique sa capacité de choisir ; vulnérable, il ne le fait pas », note l'auteur.
Sur le plan religieux, cela conduit à un désintérêt vis-à-vis de toutes les formes de contraintes, de règlements ou de croyances. Mgr Rouet précise le rôle de l'Eglise en ce do­maine : être proche de chacun en ce qu'il est, sans prosélytisme, sans attitude de domination, dans un souci d'écoute suscitant la confiance mutuelle : « Là où le monde concentre, il faut que l'Eglise décentralise ; là où il n'écoute pas les intéressés, il faut que l'Eglise écoute la voix de chacun. » Et d'insister sur la qualité du dialogue et l'attitude de Jésus, qui témoigne humanité et compréhension.


Les chrétiens, tout en tenant compte de l'individualisme, peuvent apporter un souffle bénéfique, en créant des relations simples, respectueuses, amicales. Car « l'indifférence se présente comme une protection, une prudence qui préserve la personne de contraintes externes et des prescriptions dont elle n'est pas partie prenante ». La quête de l'humanité devient essentielle. « On touche ici à la contradiction interne de la personne indifférente qui veut à la fois se protéger des autres, et être reconnue par eux... pour combler ce vide, elle aspire à des rencontres... » Cela explique la force des mouvements où l'émotion prévaut et où la personne est reconnue.
Les dernières lignes de l'ouvrage résument la pensée de l'auteur : « L'indifférence pose à la foi la plus redoutable question : non pas l'opposition qui reconnaît toujours son adversaire et par là l'honore, mais celle du désintérêt. Le Christ s'est intéressé à l'homme, s'exposant à la mort publique et déshonorante. Et il ne force personne. Il est là, silencieux, sans reproche ni amertume. Disponible. Ce don total et muet attire ceux dont la totalité de la vie plonge dans un silence auquel nul autre ne fait attention. La percevoir, c'est prendre la route et faire son chemin. Non pas un système religieux, mais une conduite. Et une conduite accompagnée. »
L'évêque émérite a écrit une trentaine d'ouvrages, dont Faut-il avoir peur de la mondialisation ?, La chance d'un christianisme fragile, J'aimerais vous dire (30 000 exemplaires) et Vous avez fait de moi un évêque heureux. Il a initié une pastorale active et connaît bien la situation actuelle, tant de la société que de l'Eglise. Ses observations nuancées, qui demandent parfois un effort, offrent au lecteur une vision clarifiée au cœur des mutations de notre temps.

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