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mercredi, 04 mars 2015 01:00

Le chaos de la finance

sans couverture 1Jean-François Gayraud
Le nouveau capitalisme criminel
Paris, Odile Jacob 2014, 360 p.

Le lecteur sort abasourdi de ce livre par la découverte du chaos provoqué par la déréglementation financière et par la somme de rapports, d'études, de recherches et d'analyses mentionnées. Haut fonctionnaire de la police nationale en France, Jean-François Gayraud a réalisé en toute liberté ce travail de fourmi, en plus d'autres études. Il a déjà écrit cinq livres sur le même sujet, entre 2005 et 2011. Il possède une connaissance exceptionnelle des problèmes financiers actuels. C'est dire combien son diagnostic percutant mérite attention.
Dans la conclusion, il résume : « Un certain capitalisme financiarisé, mondialisé et dérégulé marque la fin de la démocratie telle que nous l'avons vécue depuis un siècle. Il signe notre entrée dans un âge postpolitique d'autant plus redoutable qu'il avance masqué. La privatisation du monde au profit des puissances privées - légales, criminelles ou grises - vassalise les Etats et les peuples de manière d'autant plus redoutable que le maître n'a ni visage, ni centre. Le pouvoir disciplinaire des marchés financiers lamine la souveraineté des peuples et des Etats. »
Les investigations lors des crises au Japon, en Albanie, au Mexique, en Espagne et en Colombie nous initient aux pratiques des mafieux et des fraudeurs. Et la chute des grandes banques - Wachovia, HSBC et surtout BCCI - démontre « la fragilité » de ces puissances financières. Quant au trading à haute fréquence, il nous fait entrer dans un univers virtuel : « Les automates de haute fréquence font que les prix sont de plus en plus spéculatifs, c'est-à-dire déconnectés de la réalité économique. Les perdants sont le consommateur - qui achète à la hausse - et le producteur qui vend à la baisse. » En 2012, Ewald Nowotny, gouverneur de la banque centrale d'Autriche et membre de BCE affirme : « En ce qui concerne le trading à haute fréquence, il n'y a rien à réglementer : il faut l'interdire. »
Les divers procès, les multiples rapports et les recherches pointues nous laissent pantois face à l'impunité ou aux sanctions relativement minimes des grandes banques. C'est que le capital d'impunité dont elles disposent est proportionnel à leur taille, car les fragiliser entraînerait un recul général de l'économie. Du coup, « l'impunité est la norme pour les puissants de la finance », déclare l'auteur.
Un aspect récent : « Une bonne proportion de la nouvelle classe dirigeante est constituée de nouveaux venus qui se sont imposés plus par le succès de leurs opérations financières (notamment en Bourse) que par leur contribution aux percées technologiques propres à notre époque... La bourgeoisie historique constituée de familles ancrées dans le paysage local cède la place à une oligarchie/ploutocratie anonyme qui contrôle les monopoles. »

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