L'irruption tangible de l'Invisible dans l'univers visible se manifeste d'une façon éclatante en la personne de Marthe Robin, totalement unie à Dieu et pleinement impliquée dans le concret du quotidien. Elle témoigne de la présence de Dieu au service de chacun et de l'Eglise. Evidemment, les stigmates, la Passion vécue chaque vendredi, l'absence de nourriture durant 50 ans et les incartades du démon attirent l'attention du public.
Néanmoins, cet aspect hors du commun demeurera assez discret de son vivant. Son humilité, sa simplicité et sa fusion avec le Christ créent en elle un comportement serein et inspirent à ses paroles un ton calme, parfois ferme, souvent marqué d'humour, sans recherche de soi. -Aux deux médecins qui souhaitaient la mettre en clinique « un ou deux mois afin de convaincre mes collègues de la réalité du phénomène extraordinaire que vous présentez », elle répondit : « Docteur, je n'ai qu'une règle, celle de l'obéissance. Que mon directeur, mon évêque ou le Saint-Père évidemment, décident de m'hospitaliser, je dirai oui aussitôt et vous pourrez m'emmener si vous le désirez. Mais croyez-vous vraiment que le problème soit là où vous le cherchez ? Non, docteur, le problème n'est pas là. » Comme le souligne Bernard Peyrous : « Il n'est pas là. La mission de Marthe était de prier, d'offrir, de recevoir, d'aider, de fonder les Foyers et d'assurer leur développement. Elle n'était pas de donner une preuve scientifique du surnaturel. »
En présentant les étapes de l'itinéraire de Marthe, Bernard Peyrous nous explique cette vie exceptionnelle, de la naissance, en 1902, à sa mort, le 6 février 1981. Il y associe d'emblée le Père Finet, instrument de la mise en oeuvre des intuitions de Marthe. Une complicité très forte les guidera.
Prêtre de l'Emmanuel, postulateur de la cause de béatification de Marthe, l'auteur accède à tous les dossiers et témoignages. Ses connaissances de la spiritualité, de la théologie, de l'histoire de l'Eglise lui permettent de situer les détails de la vie de Marthe dans un contexte précis. Docteur ès lettres, il possède une plume agréable et ordonne les événements d'une façon méticuleuse et aérée par de brefs chapitres. Les nombreuses personnes évoquées au cours du récit, bien typées, nous deviennent familières.
Les Foyers de Charité
Habitant un hameau à 2 km de Châteauneuf-de-Galaure, Marthe, intelligente, joyeuse, serviable, volontiers taquine, va à l'école jusqu'à 13 ans. Initiée aux travaux de la ferme, elle garde et trait les chèvres, fait la cuisine, apprend la broderie, aide sa soeur mariée. Cadette d'une famille de 6 enfants avec des parents croyants mais non pratiquants, elle reçoit une éducation stricte. Elle suit le catéchisme ; elle aime prier.
En été 1918, débute une période de maladie douloureuse ; elle reste fragile avec des crises espacées. A partir de 1928, elle ne se relèvera pas ; devenue presque aveugle, elle séjourne dans une chambre sans lumière. Les événements s'enchaînent : 1930, les stigmates, l'année suivante les souffrances de la Passion ; 1933, Jésus lui propose de fonder une ?uvre : « C'est alors que Jésus me parla de l'oeuvre splendide qu'il voulait réaliser ici à la gloire du Père, pour l'extension de son règne dans toute l'Eglise et pour la régénération du monde tout entier par l'enseignement religieux qui y serait donné dont l'action surnaturelle et divine s'étendrait à tout l'univers... »
La rencontre décisive en 1936 avec le Père Georges Finet va donner une impulsion d'envergure à ce projet grandiose. Prêtre à Lyon, sous-directeur de l'enseignement libre (800 écoles), organisateur à l'esprit missionnaire, fervent envers la Vierge Marie, il s'entend dire par Marthe : « J'ai une demande de la part de Dieu... C'est vous qui devez venir ici, à Châteauneuf, pour fonder le premier Foyer de Charité. » II vient.
Père spirituel de Marthe, en totale confiance réciproque, il prêche la retraite de cinq jours dans le silence absolu. La nouveauté consistait à fonder une communauté de laïcs, hommes et femmes, dirigée par un prêtre : « Sous sa direction, le Foyer deviendra un foyer de lumière, de charité et d'amour... S'agissant d'une spiritualité de laïcs destinés à vivre au milieu du monde, il ne sera pas demandé à la communauté l'engagement des voeux... Les membres du Foyer s'engagent au don total à Jésus par Marie... » L'expansion surprenante à travers le monde atteindra 30 foyers du vivant de Marthe (en 1969 à Bex) ensuite plus de 20, et cela continue.
Les consultations
Autre mission : la rencontre avec Marthe d'innombrables personnes (103000 connues) de tous les horizons, milieu populaire, enseignants, philosophes, théologiens, médecins, religieuses, prêtres, évêques, enfants, jeunes, papas et mamans... chacun recevant un mot approprié à sa situation. Sa mémoire prodigieuse et sa perspicacité pour aller à l'essentiel l'orientaient vers des conseils judicieux.
La correspondance abondante - des secrétaires se relayaient - fournissait une autre occasion de rejoindre les personnes à travers le monde. De multiples témoignages confirment, souvent par des anecdotes, le contenu de ses réflexions et les bienfaits obtenus. Régulièrement, Marthe suivait, en apportant son propre jugement, l'évolution des Foyers de Charité. Dans cette même ligne, elle encourageait les fondateurs de communautés nouvelles venus s'assurer de l'opportunité de leurs initiatives.
De multiples observations concernant Marthe parsèment ce livre, complet, méthodique, d'une écriture plaisante et vivante. Bernard Peyrous conclut : « Marthe Robin n'est pas un cas mystique extraordinaire, comme on l'a parfois présentée... C'est une femme aimante, qui a vécu du Christ et voudrait que tous les hommes le connaissent. Elle invite non à participer à ses états mystiques, mais à la suivre dans son amour de Jésus. »