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bandeau art philo
lundi, 16 janvier 2017 09:00

J'appelle mes frères

8305102.imageUne voiture a explosé. Hier soir. C’est sûrement un attentat. Amor apprend la nouvelle. Lentement. Son ami Shavi a tenté en vain de l’appeler et lui a laissé plusieurs messages. Mais il dansait. Il était bourré. C’est le matin. Sa cousine Ahlem aussi l’a appris. De là-bas. Il faut qu’il aille acheter une nouvelle mèche pour la perceuse.

J'appelle mes frères, de Jonas Hassen Khemiri, est à voir au théâtre le Poche à Genève, dans une mise en scène de Michèle Pralong. Traduction : Marianne Ségol-Samoy.

Dans une scénographie évoquant un immeuble séparé en plusieurs appartements, Amor, jeune suédois issu de l’immigration maghrébine, nous entraîne avec lui dans sa journée, qui semble banale. Au premier abord. La nouvelle ne semble pas le concerner. Il sort de chez lui en ignorant les conseils de sécurité prodigués à ses frères, son chèche autour du coup et son sac sur le dos. Au fil de son trajet, de nombreux coups de téléphone vont l’amener à se rappeler certaines conversations qu’il a eu avec eux.
Puis il se rend compte qu’on le regarde, qu’on l’observe, qu’on le suit. D’autres frères sont dehors, comme lui. Mais ils n’agissent pas comme des frères, ne parlent pas comme eux. Ce sont des hypocrites. Ils veulent se fondre dans la masse et en oublient leurs racines. Il est à présent un étranger parmi eux aussi. Le cheminement de sa pensée se dégrade, son autoperception est bouleversée. Il bascule lentement mais sûrement dans la paranoïa. Et nous aussi. On se met à douter de l’authenticité de son récit. Finalement cet homme est seul, très seul, peut-être trop seul.

Dernier spectacle de ce sloop, concept réunissant plusieurs pièces jouées par les mêmes acteurs dans la même scénographie, J’appelle mes frères nous apporte une nouvelle perception de l’islamophobie, celle de ceux qui sont visés. On prend conscience de l’impact psychologique de cette méfiance générale sur leur esprit. Au point de douter de leur innocence, ou d’être convaincu de leur culpabilité.
On sort de la salle. Silencieux. Les rires du début se sont peu à peu estompés. Le malaise s’est installé. On repense à Shutter Island de Martin Scorsese. La vérité nous échappe. Avions-nous raison de croire en notre protagoniste ou avons-nous tort d’avoir retournée notre veste ? Notre propre système de croyance s’en retrouve ébranlé. Et on se remet en question. Et c’est bien.

Poche
sloop3_i-monsters
J’appelle mes frères
À voir jusqu’au 29/01/2017

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