Albert Camus fait partie avec Jean-Paul Sartre de la génération des hommes sans Dieu ou des hommes de la mort ou du meurtre de Dieu de l'immédiat après-guerre. En ce temps-là les mots de Dieu, de métaphysique, d'athéisme et même d'humanisme étaient encore chargés de dynamite et de mystère. Ils n'avaient pas été banalisés, vulgarisés, démonétisés et laminés par la langue journalistique et publicitaire qui a cours aujourd'hui. La société de consommation n'en était qu'à ses vagissements. L'homme avait encore les yeux levés vers le Ciel ou du moins se souvenait de les avoir eus.
Virgile, L'Enéide, traduit par Paul Veyne,Paris, Albin Michel 2012, 480 p.
La tragédie antique nous montre la guerre entre les dieux et les hommes, guerre qui n'existe pas chez Homère, et qui n'est déclarée que lorsque les hommes, devenus philosophes et ayant cessé d'être des guerriers, se regimbent contre les dieux, leur caprice et leur arbitraire, et entreprennent de moraliser le Ciel.
G.K. Chesterton, William Blake, traduit par Lionel Leforestier, Paris, Le promeneur 2011, 176 p.
Gilbert Keith Chesterton, Une brève histoire de l'Angleterre, traduit de l'anglais par Gérard Joulié, Lausanne, Le Revizor/ L'Age d'homme 2012, 232 p.
Que G.K. Chesterton, le flamboyant champion du catholicisme intégral, absolu, militant et triomphant, le papiste défenseur acharné du dogme, se soit intéressé à William Blake, l'ennemi des rois, des docteurs et des prêtres, à Blake le prophète et l'hérésiarque protestant, au point de lui consacrer tout un livre, voilà qui de prime abord peut sembler paradoxal. Mais Chesterton n'est pas à un paradoxe près. D'ailleurs, avant sa conversion officielle au catholicisme, Chesterton était un radical, un protestant, donc un hérétique de la famille de Blake et, osons le mot, un prophète, ce qu'il est toujours resté même sous sa nouvelle étiquette.
Jacques Chessex, Hosanna, roman posthume, Paris, Grasset 2013, 128 p.
De jeunes corps sombres, qui se courbent, se redressent, se poursuivant au bas de la terrasse, ont la même teinte que les murs des maisons ; ils paraissent faits de la même chair que ces dieux endormis sur le calme lacustre. Ils rient, pleins d’innocence et de bonheur, et moi je regarde ce jour parfait que je contemple, mais eux ils le vivent. Ce jour m’apparaît, dès maintenant, tel qu’il sera dans leur mémoire alors que je serai retourné en poussière.