mercredi, 06 février 2008 01:00

Carême de femme

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Nous voici en plein cheminement, au coeur du mystère qui fonde la foi chrétienne. Entre ce moment où le Fils de Dieu s'est fait homme et celui où l'incarnation a pris son sens dans la résurrection. Que le Verbe se soit fait chair, qu'il ait assumé notre nature humaine - féminine et masculine -, tout en restant vrai Dieu, est au centre de notre espérance. Jésus a ressenti comme un homme, comme vous, comme moi, avec son corps et son coeur, toutes nos émotions et nos sentiments. Des plus légers et plus beaux, aux plus tristes et sombres. Il est notre frère.

Pourquoi rappeler ce fondement de notre foi ? Parce que nous sommes en période de carême, ce temps de « mouvement » spirituel qui souligne « que nos limites humaines sont transcendées par une force qui nous dépasse »[1]. Et qu'il faut s'en souvenir, s'en nourrir même, lorsqu'on aborde la question, douloureuse pour certains et certaines, de la place des femmes dans l'Eglise, en particulier de leur ordination au diaconat et à la prêtrise.[2]

On a cherché à étouffer en nous tout espoir de changement. « Bien que la doctrine sur l'ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes? soit fermement enseignée par le Magistère? elle est toutefois considérée de différents côtés comme ouverte au débat (...) C'est pourquoi, afin qu'il ne subsiste aucun doute?, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères, que l'Eglise n'a en aucune manière le pouvoir de conférer l'ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l'Eglise. »[3]

Cette conclusion de Jean Paul II, aux allures de dogme sans en être un, ne saurait décourager ceux et celles qui croient en la manifestation de l'Esprit saint en l'Eglise universelle et en chacun de nous. Jésus, dans la continuité de la foi d'Israël, a assuré que la Vie est mouvement et cheminement. En s'incarnant, le Transcendant devenu historique a témoigné que tout en appartenant à une époque et un lieu donné, chaque être humain porte en lui l'essence universelle. Et que la vie de la foi ne peut être que dynamique. Certes, Jésus ne s'inféoda pas à la Loi et aux traditions ; il ébranla parfois, dans une pleine liberté, les évidences religieuses, sociales et politiques, mais il ne le fit pas en tant que rebelle ou militant. En homme mûr, il voulait que la Parole soit comprise. Ne serait-ce pas pour cela qu'il choisit pour Apôtres des hommes, les seuls à même d'être entendus dans la société patriarcale de son époque ? Son amour pour la Femme, Jésus le témoigna de bien d'autres et profondes façons. Est-il interdit de penser qu'il chargeait ainsi les humains de comprendre, quand ils seraient prêts, que Dieu nous créa hommes et femmes dans la dualité complémentaire des genres ? Fils de Dieu, le Christ savait la manifestation de l'Esprit qui permet à l'Eglise d'évoluer: le temps n'a pas la même dimension pour Dieu et pour les hommes.

Alors, renoncer à cette espérance ? Ne serait-ce pas là une réduction d'un message essentiel du Christ ? Nous ne demandons pas à nos guides une réponse définitive et fermée, mais une ouverture d'esprit qui permette de poursuivre le débat sur un sujet qui les déconcerte tant. A l'occasion du Congrès du Conseil pontifical pour les laïcs, intitulé « Tout homme, toute femme fait partie de l'humanum », nous demandons que notre Eglise devienne là aussi une Eglise de questionnement et de communion, et pas uniquement de dogmes et de tradition. Qu'elle accepte, sur ce point aussi, de poursuivre sa marche, d'aller vers ce qu'elle n'est pas encore aujourd'hui, de s'ouvrir à l'Esprit et de se laisser conduire par lui. Qu'elle se souvienne que la vérité révélée est plus grande que la conscience que les humains en ont à un moment de leur histoire et qu'il est de sa responsabilité de la rechercher, en surpassant ses peurs. Même inconscientes?

Les femmes ne sont pas une menace pour l'Eglise. Il n'y a donc pas lieu de leur fermer la porte du diaconat et de la prêtrise, et de les empêcher ainsi d'entrer dans cette dimension sacrée.

1 - Comme le dit dans ce numéro Jean-Claude Huot, aux pp 18-21.

2 - Voir l'article de Monique Desthieux, aux pp. 9-13 de ce numéro; voir aussi l'article "Femmes prêtres: suite et pas fin" (choisir, septembre 2002, pp. 13-16) de C. Ducarroz.

3 - Jean Paul II, Lettre apostolique « Ordinatio sacerdotalis », 22 mai 1994. Voir l'article de J. Hug, "Ordination de femmes. Une question à réétudier", choisir, avril 1995, pp. 17-20.

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