mardi, 01 octobre 2013 11:25

Une rencontre exceptionnelle !

Rome, Maison Sainte-Marthe, lundi 19 août. Le pape François m’a donné rendez-vous à 10h00, mais j’ai hérité de mon père le besoin d’arriver en avance. Les personnes qui m’accueillent m’installent dans une petite pièce. L’attente est de courte durée, juste le temps de me souvenir de la façon dont a émergé à Lisbonne, lors d’une réunion de responsables de revues jésuites, l’idée de publier de concert une interview du pape : nous avions imaginé alors quelques questions exprimant les intérêts de tous.[1]

Deux minutes plus tard, je suis invité à prendre l’ascenseur. A ma sortie, le pape est déjà là à m’attendre. J’ai l’agréable impression de n’avoir franchi aucun seuil. J’entre dans sa chambre et le pape m’installe dans un fauteuil. Il s’assoit sur une chaise plus haute et plus rigide à cause de ses problèmes de dos. La pièce est simple, austère. L’espace de travail du bureau est petit. Je suis frappé par la simplicité du mobilier et des objets. Il y a là des livres, quelques cartes et des bibelots. Parmi ceux-ci, une icône de saint François, une statue de Notre Dame de Luján, patronne de l’Argentine, un crucifix et une statue de saint Joseph dormant [le Songe de saint Joseph], très semblable à celle que j’avais vue dans sa chambre de recteur et de supérieur provincial au Colegio Máximo de San Miguel. La spiritualité de Bergoglio n’est pas faite d’« énergies harmonisées », selon son expression, mais de visages humains : le Christ, saint François, saint Joseph, Marie.

Le pape m’accueille avec ce sourire qui a déjà fait plusieurs fois le tour du monde et qui ouvre les cœurs. Nous commençons à parler de choses et d’autres, mais surtout de son voyage au Brésil. Le pape le considère comme une vraie grâce. Je lui demande s’il s’est reposé. Il me répond que oui, qu’il va bien, mais surtout que les Journées mondiales de la jeunesse ont été pour lui un « mystère ». Il n'est pas habitué à s’adresser à autant de monde : « J’arrive à regarder les personnes individuellement, me dit-il, à entrer en contact de manière personnelle avec celles qui me font face. Je ne suis pas coutumier des masses. » Je lui dis que cela se voit et que cela frappe tout le monde. Lorsqu’il est au milieu des foules, ses yeux se posent sur les personnes. Les caméras de télévision qui transmettent ces images permettent à tous de le constater. Il se réjouit de mes paroles, de pouvoir rester tel qu’il est, de ne pas avoir à altérer sa manière habituelle de communiquer avec les autres, même lorsqu’il a devant lui des millions de personnes.

Nous abordons d’autres sujets. Commentant une de mes publications, il me dit que les deux penseurs français contemporains qu’il préfère sont Henri de Lubac et Michel de Certeau. Je m’exprime en­suite de manière plus personnelle et lui aussi me parle de lui, en particulier de son élection au Pontificat. Lorsqu’il a pris conscience qu’il risquait d’être élu, le mercredi 13 mars, au moment du déjeuner, il a senti descendre en lui une profonde et inexplicable paix, une consolation intérieure, en même temps qu’un brouillard opaque. Ces sentiments l’ont accompagné jusqu’à la fin de l’élection.

Je pourrais continuer à discuter aussi familièrement avec François pendant des heures, mais je prends les feuilles avec mes quelques questions notées et enclenche l’enregistreur. Je commence par le remercier au nom de tous les directeurs des revues jésuites qui publieront cette interview. Peu avant l’audience qu’il avait accordée aux jésuites de la Civiltà Cattolica,[2] le pape m’avait en effet parlé de sa grande difficulté à donner des interviews : il préfère prendre le temps de réfléchir avant de répondre, les réponses justes lui venant souvent dans un deuxième temps. « Je ne me suis pas reconnu quand, sur le vol de retour de Rio de Janeiro, j’ai répondu aux journalistes qui me posaient des questions », me dit-il. Le fait est que durant notre interview, le pape se sentira libre d’interrompre à plusieurs reprises ce qu’il est en train de dire, pour ajouter quelque chose à sa réponse précédente. Sa parole est une sorte de flux volcanique d’idées qui se lient entre elles. Il est clair que le pape François est plus habitué à la conversation qu’à l’enseignement.

 

1 • Cette interview exceptionnelle du pape François a été élaborée par le réseau des Revues culturelles jésuites d’Europe et d’Amérique, et réalisée par Antonio Spadaro, directeur de la Civiltà Cattolica. Vous pouvez lire sa traduction en français dans son intégralité sur www.choisir.ch. Vous trouverez aussi aux pp. 9-14 de ce numéro une partie de l’interview et pourrez en découvrir un autre extrait dans le choisir de novembre prochain. (n.d.l.r.)

2 • Le 14 juin 2013. Des extraits de la traduction française de ce discours se trouvent sur le site www.choisir.ch. (n.d.l.r.)

 

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