La session annuelle de la Commission de la condition de la femme de l’ONU, qui s’engage pour l’égalité des genres et dont la Suisse est membre, a eu lieu en mars, à New York. Trois mille déléguées d’organisations non gouvernementales (ONG) y ont participé. Cette activité des ONG est un élément majeur de la Commission. Les ONG influencent ainsi la politique internationale relative à l’autonomisation des femmes et à l’égalité des sexes, instaurée en 1995 par la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, et rappellent aux dirigeants du monde leurs engagements.
Parallèlement aux débats officiels, d’autres conférences et événements ont mobilisé à New York les représentants des ONG. Ainsi de Ecumenical Women, une coalition d’organisations chrétiennes qui s’est formée après Beijing pour soutenir les femmes traditionnellement exclues des processus de décisions politiques, et qui aide les déléguées des ONG à tirer profit de leur statut et à mieux se positionner face aux « officiels ». Ou encore de ONU-Femmes, une organisation qui collabore aussi avec des ONG religieuses, telles que le World YWCA, le Conseil œcuménique des Eglises (COE) ou Act Alliance, afin de promouvoir le partage du savoir et des expériences entre féministes et activistes religieuses.
Thème examiné cette année par la Commission, « l’élimination et la prévention de toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles », une problématique déjà discutée en 2003 et 2013. Les visages de cette violence défient l’imagination, en particulier en temps de guerre. La session de mars a permis de relier ces situations à la perspective de justice entre les genres. Pourquoi le viol en situation de conflit armé, par exemple, n’est-il toujours pas considéré, partout et unanimement, comme une arme de guerre ? Une réflexion a été aussi menée sur le concept « masculin » de guerre et sur la définition de la paix.
Des médiatrices
La Suisse est particulièrement impliquée dans la prévention de la violence à l’égard des femmes. Comme l’a expliqué Nathalie Chuard, de la délégation suisse, notre pays a été parmi les premiers à proposer un plan d’action national pour appliquer la résolution 1325 de l’ONU (adoptée en 2000 par le Conseil de sécurité), qui aborde la question féminine lors de déplacements de populations en situation de guerre, ainsi que celui de la rééducation et de la réinsertion des femmes et des jeunes filles suite à un conflit armé. La Confédération est principalement engagée au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et dans la région des Grands Lacs (Afrique de l’Est). Elle y soutient des projets d’autonomisation des femmes et de réduction de la violence sexuelle. Un constat, même victimes, même marginalisées, les femmes, résistent, se battent pour leurs droits, faisant preuve d’une bonne capacité de « résilience ». En outre, du fait de leur rôle social et familial, elles sont souvent expertes en ce qui concerne la définition des besoins de base des populations.
Cependant, comme l’a expliqué Nathalie Chuard, toutes ces actions, pour être efficaces, doivent être accompagnées d’une recherche de solution politique au conflit enracinée dans un processus inclusif. Le manque de représentation féminine lors des négociations de paix (non conforme à la résolution 1325) est un vrai problème. D’autant plus que l’on se prive ainsi de la particulière capacité de médiation (bridge builder) des femmes, comme l’a souligné Sahar Khamis, spécialiste des médias arabes et professeure à l’Université de Maryland.
Musulmane d’origine égyptienne, Sahar Khamis a présenté l’organisation Sisterhood of Salaam, qui travaille au dialogue entre juives et musulmanes dans le cadre du conflit arabo-israélien. Elle a aussi rapporté l’important rôle joué par les femmes lors du printemps arabe, en tant que leaders, journalistes, avocates... Même après que des militantes pour les droits humains aient été violées, emprisonnées ou tuées, les femmes ont poursuivi leur combat social et politique pour leur intégration en tant que citoyennes à part entière, pour leurs droits à l’éducation, au travail, à l’éligibilité politique.
Des combattantes
Ainsi, en Libye, les femmes ont activement participé à la révolution de 2011. C’est ce qu’a souligné Paul Menkveld, représentant de la Mission permanente des Pays-Bas auprès des Nations Unies, lors d’une rencontre organisée par la Suisse autour de la Libye. Elles sont descendues dans les rues de Benghazi dès le début des manifestations, elles ont soigné les combattants blessés et les ont nourris, elles ont vendu leurs biens pour acheter des armes... Puis elles ont commencé à reconstruire Benghazi. Aujourd’hui, beaucoup d’entre elles se demandent si la révolution libyenne a bien été la leur... Le radicalisme religieux qui s’en est suivi a restreint leur espace publique et les plus engagées d’entre elles sont en danger. Salwa Bughaighis, militante pour l’établissement d’une démocratie dans laquelle les femmes auraient leur place, a ainsi été assassinée en 2014. Et depuis, un nombre grandissant d’activistes luttant pour les droits de la femme en Libye ont été menacées.
Une des propositions avancées par les Libyennes à New York est que la communauté internationale travaille à intégrer les femmes dans les principales discussions politiques. Claudia Marti, du Département fédéral des affaires étrangères Suisse, partage leur conviction : les négociations de paix en Libye auront de meilleurs résultats si les femmes sont impliquées, comme cela a été le cas lors du processus de réconciliation et de dialogue national, du cesse-feu et de la collecte des armes.
E. R. S.