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vendredi, 08 mai 2020 09:33

Garabandal, seul Dieu le sait

GarabandalGarabandal, Dieu seul le sait a été tourné sans réel budget de production. Son réalisateur, Brian Jackson, est un jeune séminariste américain. Le film relate les apparitions surnaturelles (Vierge, saint et anges) à quatre jeunes filles dans les années soixante, à San Sebastián de Garabandal, un hameau perdu dans la montagne, au nord de l’Espagne. Il fait partie des œuvres à visée évangélisatrice de Saje Distribution. La véracité des apparitions reste non confirmée officiellement par l’Eglise.

18 juin 1961. Quatre jeunes filles (onze, douze ans), Conchita, Jacinta, Mari Loli et Mari Cruz, chapardent quelques pommes à la sortie du village. Un coup de tonnerre retentit alors que le ciel est complètement dégagé. Impressionnées, les filles regrettent leur larcin. Soudain elles tombent à genoux, et demeurent immobiles et silencieuses, les yeux levés au ciel. Lorsqu’elles retournent au village, elles annoncent qu’un ange leur est apparu.

S’ensuivent d’autres apparitions angéliques, puis, le 2 juillet, une première apparition de la Vierge, avec l’Enfant Jésus et deux anges (dont l’archange saint Michel). En toute confiance, les filles parlent alors avec leur Maman du Ciel. Celle-ci promet de revenir le lendemain. Elle revient en fait très souvent pendant les mois qui suivent.

Scepticisme et enquête baclée

Le curé du village et le brigadier de la Garde Civile accueillent les dires des filles avec méfiance. Le premier les interroge séparément et obtient des témoignages concordants. Le second, très sceptique au début, devient avec le temps un des plus fervents défenseurs de la véracité des apparitions. Des curieux, des fidèles, commencent à affluer à San Sebastián de Garabandal. Parmi eux, des médecins. Ils constatent les phénomènes physiques surnaturels qui accompagnent les extases des filles: totale insensibilité à la douleur, lourdeur extraordinaire des corps, insensibilité des pupilles à la lumière, lévitations… La foule, qui suit les filles vers le lieu de leur vision, les voit se déplacer à une vitesse étonnante les yeux rivés au ciel, sans aucun effort ni jamais trébucher; puis elles tombent à genoux sur les rochers sans se blesser. On leur confie des objets pour que la Vierge les embrasse durant leurs extases; elles les rendent ensuite à leurs propriétaires, la plupart inconnus d’elles, sans jamais se tromper.

Le curé envoie des rapports détaillés à l’évêché. Une enquête est diligentée dès le premier été. Elle est bâclée, à charge, et conclut rapidement que tout n’est qu’invention. La hiérarchie ecclésiastique enjoint les filles d’arrêter leur petit jeu, leur interdit d’en parler et les menace d’excommunication: «Vous serez enterrées en dehors du cimetière, comme les chiens.» Comme la Vierge le lui avait prédit, Conchita finit par céder et signe un document où elle nie la véracité des apparitions. Mais bientôt, elle se rétracte.

Le 18 octobre, la Vierge demande aux filles de transmettre un message: «La coupe se remplit déjà et si nous ne changeons pas, un très grand châtiment viendra. Soyez bons.» Mais la foule, qui a attendu toute la journée sous la pluie, est déçue et écoute à peine les fillettes. Le 18 juillet 1962, de nombreux témoins voient apparaître une hostie sur la langue de Conchita. Le 18 juin 1965, juste avant la fin des apparitions, la Vierge transmet ce deuxième message: «Comme mon message du 18 octobre n’a pas été mis en œuvre ni diffusé, celui-ci est le dernier. Auparavant la coupe se remplissait, maintenant, elle déborde. Beaucoup de cardinaux d’évêques et de prêtres, marchent sur le chemin de la perdition, et avec eux entraînent beaucoup d’âmes. À l’eucharistie, on donne sans cesse moins d’importance. Vous devez faire des efforts pour éviter la colère de Dieu qui pèse sur vous. Si vous lui demandez pardon avec une âme sincère, il vous pardonnera. Moi, votre mère, par l’intercession de l’ange saint Michel, je vous supplie de vous amender. Vous êtes déjà dans le dernier avertissement. Je vous aime beaucoup, je ne veux pas votre condamnation. Vous devez vous sacrifier plus. Pensez à la Passion de Jésus.»

Un film honorable

Pour un film tourné avec si peu de moyens, Brian Jackson s’en sort plutôt bien. L’équipe technique et artistique a travaillé bénévolement sur Garabandal, Dieu seul le sait. Les interprètes, tous des Espagnols, ne sont pas des acteurs. D’un point de vue artistique, le résultat est honorable, mais beaucoup moins réussi qu’un autre film, au sujet similaire, distribué aussi par Saje Distribution: Le 13è Jour (2009), magnifique œuvre des frères Higgins sur les apparitions de Fatima.

Les faiblesses de Garabandal, Dieu seul le sait concernent en particulier son scénario (la manière d’amener les évènements, de présenter les personnages), la direction des acteurs et des figurants, ou l’absence de véritable mise en scène. Mais ces faiblesses ne sont pas rédhibitoires et le film atteint son objectif. Moi qui n’avais jamais entendu parler de Garabandal, j’ai été interpellé par ce récit d’évènements qui ont eu lieu il y a à peine soixante ans.

D’emblée, ce qui est remarquable, c’est la durée et la fréquence des apparitions: plus de deux milles, parfois plusieurs par jour, de 1961 à 1965! Ensuite les fruits: il y aurait eu des cas de guérison de nature physique et encore plus de nature spirituelle, avec des conversions notables. C’est en constatant les guérisons physiques que le Dr Morales, psychiatre et adversaire parmi les plus acharnés à l’authentification, va revenir quelques années plus tard sur son jugement, qualifiant publiquement la Commission d’experts dont il avait fait partie de «mascarade», et devenir depuis un grand promoteur de Garabandal. Les rapports de la Commission n’ont jamais été rendus publics, de sorte qu’on ne peut pas savoir d’où provenait cette évaluation négative.

Contrairement aux apparitions de Fatima, où c’était les autorités civiles qui s’opposaient au témoignage des voyantes, à Garabandal, c’est l’Église elle-même qui a été en première ligne contre les fillettes. Peut-être parce que le message de la Vierge Marie est assez dur envers le clergé. Un évêque du lieu a tout rejeté en bloc et a interdit d’en parler. Les autres évêques ont ensuite levé l’interdiction et ont été plus bienveillants, mais les consignes étaient d’étouffer l’affaire. Depuis l’Église a déclaré un «non constat de supernaturalitate». Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas eu d’apparitions, mais que celles-ci n’ont pas encore été constatées officiellement faute de preuves.

Trois des fillettes ont émigré aux États-Unis (une est aujourd’hui décédée) et une habite à une heure de Garabandal. Elles ont fondé des familles et vivent leur vie de grands-mères dans la plus grande discrétion et un effacement total. Conchita a rencontré deux fois Paul VI et, suite à ces rencontres, le pape a modifié le droit canon: les écrits, de prêtres notamment, sur des apparitions non reconnues ne nécessitent plus l’imprimatur de l’évêque. Marthe Robin (morte en 1981) avait dit à un prêtre que la Vierge était en train d’apparaître en Espagne. Padre Pio avait demandé à ce que le voile qui recouvrait son visage avant qu’on referme son cercueil soit envoyé à Conchita, et Mère Teresa fut marraine d’un des enfants de Conchita.

Pour bientôt?

Le plus bouleversant dans cette histoire est que sa véracité impliquerait que nous devrions vivre bientôt une série d’évènements surnaturels, selon les annonces de la Vierge transmises par les filles. D’abord un avertissement: «Ce sera une expérience terrible, mais pour le bien de nos âmes. Nous verrons à l’intérieur de nous-mêmes, dans notre conscience, le bien et le mal que nous avons faits. L’avertissement n’a pas pour objectif de nous faire peur, mais plutôt de nous rapprocher de Dieu et de nous donner plus de foi.» Moins d’un an après, arriverait un grand miracle, dont Conchita devrait annoncer la date huit jours avant. Or Conchita a aujourd’hui 72 ans! Il y aurait alors des conversions, des malades guériraient. Et après, un signe resterait en permanence sur le lieu des apparitions. Si après ces interventions divines l’humanité ne change pas, un châtiment viendrait, «horrible» d’après les visions des fillettes! et dont l’intensité serait liée à la réponse que nous donnons à l’avertissement et au miracle… «Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende», seraient tentés de dire certains.

Garabandal, Dieu seul le sait est sorti en Espagne en 2018 et en Suisse et France en janvier 2020.

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