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mercredi, 01 septembre 2021 12:11

Sìrìrì – Le cardinal et l’imam

Sìrìrì © Manuel von StürlerDepuis 2013, la République centrafricaine s’enlise dans un conflit qui oppose groupes armés chrétiens et musulmans. Pendant que les diamants et l’or sont commercialisés dans l’indifférence générale, un cardinal et un imam luttent ensemble pour pacifier les communautés meurtries. Judicieusement délesté d’informations et de discours idéologique, Sìrìrì («paix» en sango), le documentaire de Manuel von Stürler, retrace cette démarche avec une modestie qui l’honore.

Même si le réalisateur franco-suisse suit deux hommes de foi -l’imam Kobine Layama, de Bangui, et le cardinal Dieudonné Nzapalainga- qui se battent ensemble pour promouvoir une coexistence pacifique et fraternelle entre les communautés chrétiennes (80% de la population) et musulmanes (15%), la stature et le charisme du cardinal font de lui le personnage principal de Sìrìrì.

On est loin de l’image habituelle que l’on se fait des cardinaux au Vatican: le moins que l’on puisse dire, c’est que celui-ci mouille sa soutane! Il conduit lui-même son 4x4 et fait, par exemple, près de 600 km (pas sur des autoroutes!) pour se rendre dans un camp de déplacés. Comme le fait remarquer un des rares commentaires du film: «Il avale des kilomètres de pistes du matin au soir. J’ai l’impression qu’il fait corps avec sa jeep, que le moteur est l’expression de son tempérament (…) c’est un des conseillers du pape François qui l’a créé cardinal.»

Une réalisation simple, au plus proche des situations

Le côté brut de la réalisation offre quelques belles séquences tournées de nuit en extérieur. Certaines, plus intimes, dans le calme, d’autres où l’on distingue dans l’obscurité bleutée les visages des malheureux déplacés qui s’expriment dans un mégaphone. «Les rebelles nous ont chassés. Ils ont brûlé nos maisons. Nous dormons comme des animaux. L’accès à nos champs nous est interdit.» Un autre: «Comment renouveler notre croyance en Dieu? Nous ne croyons plus. Ses paroles n’existent plus sur cette terre.» Une femme: «Qu’avons-nous fait au Bon Dieu? Nuit et jour, nous pleurons.» Séquence forte, qui se clôt sans réaction manifeste du cardinal, qui se tient juste à leur côté. Dieudonné se rend ensuite dans un hôpital où patients et membres du personnel se sont fait égorger, violer... Où l’on commence à comprendre que les casques bleus, présents au moment de l’attaque, au mieux ne servent à rien…

Le cœur de leur démarche

Le film est bien construit et nous fait progressivement appréhender les difficultés de la démarche des deux hommes. Dans les premières séquences, le cardinal se contente d’écouter les doléances. Il témoigne de son soutien (et de celui de l’Église) par sa présence ponctuelle, mais c’est tout. On se dit que les deux chefs religieux s’aventurent sur un terrain situé en dehors de leur champ de compétence, et que ce n’est pas évident: ils doivent rester sur un plan différent de celui des dirigeants politiques. De toute façon, ils n’ont pas vraiment le choix, n’ayant pas de réelles prises sur les évènements -même si l’Église reste dans ce pays une des seules organisations opérationnelles. Que faire face à des groupes armés quand les devoirs régaliens ne sont pas assurés par l’État? La tentation du repli doit être forte. «Mais -comme le dit un prêtre- je pense qu’il faut avoir le courage de continuer à parler. Parce que si l’Église se tait, ne dit pas la vérité, c’est le chaos. C’est aussi notre rôle prophétique de dénoncer le mal, de dire tout haut ce qui ne va pas.»

Peu à peu on voit comment les interventions de ces guides religieux peuvent être bien ajustées. Ainsi lorsque le cardinal s’adresse à des villageois: «Vous avez une connaissance dans un groupe armé. Appelez-le sans hésiter. Parlez-lui, conseillez-le. Il doit revenir à la raison. Votre parole peut le convaincre. Je ne serai pas jaloux si la Parole de Dieu passe à travers vous. Seul, je n’y arriverai pas.»

Sìrìrì © Manuel von StürlerLe cardinal et l’imam ont aussi dans les villes principales des personnes-relais qui jouent un rôle de médiation et d’apaisement auprès des responsables locaux et des populations. Comme le souligne Manuel von Stürler, «leur objectif principal est d’encourager les civils à ne pas prendre les armes, même en représailles aux attaques régulièrement perpétrées.» Et leur message semble porter, comme en témoigne une musulmane d’un camp de déplacés dans une ville qui a commencé à retrouver la paix: «Si quelqu’un se fait poignarder ou tabasser, on ne rentre plus dans la vengeance.»

Et puis, à nouveau, la violence: un village se fait attaquer par des miliciens musulmans de la Seleka, les maisons sont incendiées, des prêtres sont tués. Un témoin constate: «Quand les casques bleus chrétiens étaient ici, rien de tout cela n’est arrivé. Quand le contingent mauritanien les a remplacés, beaucoup de choses ont changé. Les Mauritaniens fournissent des munitions à leurs frères de l’UPC, nous l’avons bien vu.»

Le cœur du film

Finalement (et fort heureusement), contrairement à l’intention première du réalisateur ⌈Lire les notes d'intention de Manuel von Stürler dans lesquelles il explique s’être lancé dans ce projet de documentaire suite à une rencontre avec le jésuite Paolo Dall’Oglio: ndlr⌉, Sìrìrì ne s’inscrit pas dans le discours occidental convenu de tolérance qui évacue, par paresse ou manque de courage, la question de la violence dans l’islam. Et qu’il y ait des hommes de bonne volonté (et des crapules) dans «tous les camps» est une banalité. Le vrai sujet qui se dégage du film tourne autour de cette question: comment, en plein conflit, prôner la paix et encourager la non-violence entre frères humains?

«Vous le savez, nous les hommes de la religion, nous avons comme arme la Parole de Dieu (…) nous nous adressons à des consciences», dit le cardinal Dieudonné Nzapalainga aux fonctionnaires de l’ONU lors d’une session des droits de l’homme au Palais des Nations, à Genève. «Mais nous savons aussi que notre rôle est limité. Nous avons besoin d’un contexte sécuritaire pour parler.»

L’ONU est présente avec 12’000 casques bleus et un mandat de maintien de la paix. «Or la paix n’existe pas. C’est donc un mandat un peu boiteux», dit le réalisateur de Sirri, avec diplomatie. «Finalement il ne reste que les religieux pour venir en aide aux populations. Cet engagement absolu, total qui permet de dépasser les limites de la peur et du danger, comme le fait le cardinal, a été une découverte pour moi. J’ai appris à avoir beaucoup plus d’humilité pour cet engagement religieux tellement malmené, voire méprisé en Occident aujourd’hui.»


Mise au concours par choisir de 5 fois 2 billets gratuits pour les AVANT-PREMIÈRES de Sìrìrì
en présence du réalisateur, du cardinal Dieudonné Nzapalainga et de l’imam Abdoulaye Ouasselegue

Sìrìrì affiche © Manuel von StürlerYverdon Bel-Air – Lundi 6 septembre à 18h30
Morges Odéon – Lundi 6 septembre à 20h15
Lausanne CityClub – Jeudi 9 septembre à 20h00
Delémont Cinémont – Vendredi 10 septembre à 20h00
Ste-Croix Royal – Samedi 11 septembre à 18h00
Fribourg Rex – Dimanche 12 septembre à 11h00
Neuchâtel Rex – Dimanche 12 septembre à 16h00
Chaux-de-Fonds Scala – Dimanche 12 septembre à 18h00
Genève Grütli – Lundi 13 septembre à 20h00

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