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mardi, 01 octobre 2013 11:21

Vagabond de Dieu

Rance 44670Didier Rance, John Bradburne, vagabond de Dieu, Paris, Salvator 2012, 512 p.

Impressionnant et émouvant, le récit de cette vie peu ordinaire de John Bradburne (1921-1979), épris de Dieu et en même temps proche de toute personne rencontrée ! L’auteur a réalisé un travail colossal et minutieux pour retrouver les traces de ce vagabond à travers des lieux très divers. Puisant dans une volumineuse documentation, dont 6000 poèmes, une correspondance abondante et des témoignages, il raconte avec bonheur, mois après mois, même jour après jour, ses péripéties parfois rocambolesques.

Né en Angleterre, anglican puis catholique, soldat en Malaisie, postulant dans plusieurs couvents, John Bradburne entreprend des voyages à Rome, en Terre sainte, en Libye et en Rho­désie. Sans argent, il dort n’importe où. Il joue de la flûte à bec et de l’orgue, il est aussi chanteur, poète prolixe, marcheur infatigable. Il attire la sympathie de tous par son charme, sa joie, sa simplicité, sa disponibilité, sa gentillesse, sa piété, bref par son être rayonnant, et établit ainsi un contact chaleureux avec la personne rencontrée. Il vit aussi en symbiose avec la nature, grimpe aux arbres, gravit des sommets, jouit de la compagnie d’un chat ou même d’un aigle, des abeilles présentes dans sa cabane. Sans prononcer de vœux, il deviendra d’ailleurs l’ami des franciscains et recevra, les dernières années, la bure avec laquelle il sera enterré. John recherche en même temps sans cesse des zones de silence : prière trinitaire, imitation de Jésus, amour de l’eucharistie, confiance en Marie... Il vit dans l’univers invisible, mais avec les deux pieds sur terre.

Point culminant de sa vie : sa rencontre avec les lépreux. Un jour de 1969, il propose à une amie de l’emmener au village des lépreux à Mtemwa près de Salisbury, en Rhodésie. La misère de ces malades provoque sa colère ; il décide de rester. Pendant trois ans, John sera directeur de ce centre de quatre-vingt lépreux. Il est leur ange gardien, soigne chacun, les veille durant leur agonie, distribue en suffisance médicaments et nourriture, prévoit des temps de prière avec communion à la chapelle. Une surprenante complicité unit les uns aux autres.

Quand le climat de guerre augmente (la Rhodésie deviendra Zimbabwe en 1980), des amis lui conseillent de s’éloigner : seul Blanc, il est la cible des opposants. Mais il refuse d’abandonner les lépreux... quitte à mourir s’il le faut. Ce qui ne tarde pas. Arrêté par les opposants, il est reconnu après procès comme « un ami des Africains » accomplissant un grand bien. Ce qui n’empêchera pas deux opposants de le cribler de balles, sous le regard de villageois consternés.

Aujourd’hui, la mémoire de John ne cesse de s’amplifier. De nombreux pèlerins affluent près de sa tombe au Zimbabwe, des démarches sont entreprises en vue de sa béatification.

Bravo à Didier Rance pour ce travail approfondi. Le Grand Prix catholique de littérature 2013 a du reste été attribué à cet ouvrage.

 

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