De fait Jean Ziegler a une connaissance interne des fonctionnements des institutions onusiennes. Il a côtoyé les grands de ce monde. Il a vu de près la souffrance de différentes populations. Par exemple, face au commandant des forces israéliennes, à Tel-Aviv, il dénonce les entraves faites au ravitaillement des Palestiniens, au point de les affamer. «Silence glacial dans la salle.» À l’ONU, il insiste: «En octobre 2003, le secrétaire général Kofi Annan transmit mon rapport intitulé Le droit de l’alimentation dans les Territoires occupés à l’Assemblée de l’ONU et à la Commission des droits de l’homme. Distribué dans les six langues officielles, il suscita à mon endroit une campagne de diffamation d’une violence inouïe, dont je subis, aujourd’hui encore, les conséquences. »
Les coulisses de l’internationale révèlent bien des faits étonnants. Ainsi, en 1990, Saddam Hussein, remonté contre l’ONU, «ordonna l’arrestation de tous les ressortissant occidentaux présents en Irak». Parmi les otages se trouvaient dix-huit citoyens suisses. L’ambassadeur d’Irak à l’ONU, à Genève, proposa alors à Ziegler de constituer «une délégation parlementaire représentative... Vous allez à Bagdad... Le président vous recevra... il existe une chance que vous puissiez rentrer avec nos visiteurs suisses.» Ziegler accepta le marché. La suite du récit ne manque pas de piquant. Accueil solennel par Saddam Hussein, puis long discours pour décrire toutes les réalisations qu’il avait accomplies depuis 1968. Quand enfin il se tut, le raïs se leva brusquement. «Il prit congé de chacun de nous, nous donnant d’autorité, et de manière très démonstrative, une chaleureuse accolade... Sur le tarmac de l’aéroport, sept otages suisses nous attendaient [les onze autres suivront dans la semaine]. Une photo de Saddam Hussein m’embrassant dans son palais continue de circuler sur Internet... J’ai tout fait pour l’éliminer, sans succès... elle me cause beaucoup d’ennuis.»
En conclusion, Jean Ziegler appelle à des changements à l’ONU, en particulier sur le droit de veto: «La suspension du droit de veto en cas de crime contre l’humanité libérerait l’ONU de sa paralysie.» Il cite aussi le pape François: «aujourd’hui nous devons dire non à une économie de la disparité et de l’exclusion...» Et dans l’esprit positif du titre Chemins d’espérance, il termine par cette affirmation: «Cette société civile internationale, munie notamment des armes d’une ONU régénérée, porte l’horizon d’un monde enfin humain.»