L’originalité de l’ouvrage n’est bien sûr pas dans ce rappel des faits, mais dans la solution proposée pour sortir de notre paralysie. Un des plus grands paradoxes de notre temps est que nous savons parfaitement ce que nous devrions faire, mais que nous ne le faisons pas.
Au bout du chemin, la désintégration de la société nous attend: «Confrontés à l’urgence planétaire, nous risquons de nous déchirer en factions qui se battent pour ce qui reste du monde que nous avons épuisé.» D’ores et déjà, «plus l’appétit de ressources d’un pays est grand, plus il est probable qu’il fasse la guerre, qu’il ordonne le saccage des forêts pour créer des mines à ciel ouvert et le forage des fonds océaniques pour en extraire le pétrole». Le cercle infernal est en route.
Toutes les images de la Terre prises du ciel, si fragile sur un fond d’immensité de l’univers inhabité et inhabitable, toutes les métaphores du Titanic, paquebot le plus moderne de son temps, fonçant sur l’iceberg mortel pendant que les passagers dansaient dans les salons prétendument insubmersibles, n’y font rien. «(…) Les problèmes du monde sont considérés comme lointains et sans rapport avec les drames de nos vies personnelles; (...) les problèmes des autres peuples, autres nations, et autres espèces ne nous concernent pas.» D’autres disent tout simplement: «Je préfère ne pas y penser.»
Englués dans nos soucis du quotidien, dans notre individualisme et notre immédiateté, nous développons une capacité de refoulement incroyable face aux mauvaises nouvelles qui nous assaillent. Pourtant notre société de consommation, où on trime pour ensuite s’oublier dans la promesse de loisirs réparateurs, ne nous rend pas heureux. «La dépression a atteint des proportions épidémiques (…) Derrière les portes verrouillées se cache une épidémie de solitude qui s’étend sur tout le monde industrialisé.»
Pour casser notre carapace d’indifférence, les auteurs proposent d’accueillir en nous la souffrance de la Terre, de retrouver le lien physique et moral avec tout ce qui y vit: «se reconnaître soi-même comme faisant partie de la plus grande toile de la vie». Les citadins sont particulièrement susceptibles de perdre contact avec cette réalité biologique.
Le changement de cap exige une participation de masse, où chacun tient un rôle. «Je ne peux pas, mais nous le pouvons.» Voilà la signification de l’espérance en mouvement. «Lorsque nous vivons ainsi, l’ennui et le vide, si prédominants dans la société moderne, disparaissent tout simplement. (...) On considère habituellement l’idée de ‹renoncer› ou de ‹réduire› comme lugubre et menaçante. Pourtant (...) les pertes réelles viennent du consumérisme (...). Nous perdons les forêts, les poissons, les abeilles (…) Nous perdons la valeur de l’esprit communautaire et l’étoffe de ce qui donne sens à la vie.»