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mardi, 25 décembre 2018 11:41

L’énigme amish

LégeretJacques Légeret
L’énigme amish
Vivre au XXIe siècle comme au XVIIe
Genève, Labor et Fides 2017, 304 p.

Quand on nous parle des amish, des images surgissent: carrioles tirées par des chevaux, chapeaux de paille pour les hommes, coiffes blanches pour les femmes… et des kilts de toute beauté. «La culture amish ne dispense aucun discours, aucun enseignement écrit ou oral.» Aussi est-il précieux de lire le livre de Jacques Légeret. Journaliste indépendant qui vit à Paudex (VD), il se fait le témoin privilégié de cette «contre-culture, en opposition quotidienne avec la culture technologique individualiste américaine».

Cet ouvrage porte uniquement sur les amish du Vieil Ordre, en Pennsylvanie et en Indiana. Après un rappel historique (fondation du mouvement anabaptiste en 1525, les persécutions à Zurich et à Berne au XVIe siècle, le schisme amish en 1693 et la migration de ses adeptes aux États-Unis à partir de 1817), il nous plonge dans leur vie.
Depuis l’origine, les amish s’opposent à une Église étatique et préconisent le modèle de l’Église primitive, avec un refus d’une hiérarchie au sein de leur Église et de son intervention dans les affaires de l’État. Pour maintenir une frontière claire et solide qui maintient l’unité et préserve la pureté de l’Église, ils se séparent de ce qui est «mondain», en affichant leur différence d’avec le monde: habillement, école, langue, culture, usage de la technologie (refus de l’électricité, du téléphone, sauf en cas d’urgence, médicale par exemple).
Les spéculations théologiques leur sont totalement étrangères. Aux débats stériles, ils préfèrent le silence. «La plupart des règles de la tradition (parfois rigide) ont été fixées pour être en accord avec la Bible ou la compréhension que la communauté a de la Bible», dans une lecture particulièrement «littérale et sélective». Le travail de la terre et l’artisanat leur permettent de «vivre près de la nature, en famille et (de) garder le contrôle sur toute chose».
Dans ce monde clos sur lui-même, les valeurs amish de solidarité, de modestie, d’humilité, de dévotion et d’obéissance à la communauté posent à la société occidentale de nombreuses questions sur son mode de vie. «Ils sont devenus, nous dit l’auteur, la conscience du monde américanisé, parce que, face à tout progrès technologique, ils se posent les bonnes questions, alors que nous l’acceptons aveuglement.»
C’est dans ce cadre que l’auteur et sa femme, témoins et acteurs d’une profonde reconnaissance mutuelle dans une humanité partagée, ont reçu le soutien moral de leurs amis amish envers leur fils polyhandicapé dont ils s’occupent à plein temps. Donner et recevoir … trente ans d’une expérience de vie, lors d’une cinquantaine de séjours au pays amish! Cela fait notre admiration.

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