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mardi, 01 juin 2021 10:46

Le troisième combattant

Junod 1Marcel Junod
Le troisième combattant
De l’Ypérite en Abyssinie à la bombe atomique d’Hiroshima
Genève, Olizane 2019, 320 p.
1re édition 1947

Le troisième combattant, c’est «cet homme, cette femme, qui n’appartient ni au camp des vainqueurs ni au camp des vaincus, qui vient vers ces mourants et soigne leurs blessures». Marcel Junod (1904-1961) est un médecin suisse qui a accepté des missions en tant que délégué du CICR. Il écrit pour ne pas oublier toutes les guerres, tous les drames, toutes les détresses du monde, lui qui voit «se dresser tous les corps douloureux, tous les visages anxieux creusés par la souffrance qui ont hanté [sa] route depuis onze ans». 

En Éthiopie (en guerre contre l’Italie), en Espagne (guerre civile), à Berlin, à Cracovie, à Athènes pendant la Deuxième Guerre mondiale ou au Japon (il se rend à Hiroshima trois jours après la bombe atomique du 6 août 1945). Le Dr Junod est un pionnier qui a su infléchir le travail du CICR sur le terrain. Quelle patience, détermination, persévérance, ténacité, courage pour rester neutre, objectif et modeste. «Le respect de l’homme, sans considération de vainqueur ou de vaincu et sans intervenir dans le jugement ou la condamnation d’un coupable» demande un haut degré d’abnégation. «Intervenir … ce n’est souvent que rappeler au pouvoir qui décide l’existence de ses victimes, même lointaines, et lui montrer la réalité de leur souffrance.»

Ce sont des personnages de cette trempe -et il y en a beaucoup- qui font le renom du CICR quand il s’agit de prendre des risques pour échanger des otages, pour acheminer des secours, pour soigner des blessés et pour témoigner des brûlures par le gaz moutarde en Abyssinie ou par la bombe atomique à Hiroshima. Quand il s’agit aussi de retrouver et d’améliorer les conditions de survie dans les camps de prisonniers, de distribuer médicaments et nourriture, de parlementer avec les autorités des deux bords, de livrer un combat contre tous ceux qui enfreignent les Conventions, les ignorent ou les oublient. «Il faut combattre pour les faire appliquer et il faut combattre pour les dépasser. Il faut combattre pour en faire admettre l’esprit si les textes sont imparfaits.»

Les remerciements adressés par le général Mac Arthur à la délégation du CICR à Tokyo pour le travail accompli pour les prisonniers américains encouragèrent à l’époque l’institution basée à Genève: «La Croix-Rouge est trop modeste. Elle est trop restée dans l’ombre […] Elle occupe une position unique dans le monde et dans toutes les nations. Il faut maintenant que cette valeur serve à plein. Il faut l’engager tout au fond du problème.» De la Villa Moynier (dans le Parc Mon Repos) au siège actuel (avenue de la Paix), le CICR grandit avec ses engagements sur le terrain.

Le documentaire de Romain Guélat, Dr Junod, le troisième combattant (2019), relate l’engagement pionnier de ce «globetrotter humanitaire», ainsi nommé par Jean-François Berger, scénariste du film. Cette production a le mérite de lier les efforts passés du CICR avec ses engagements actuels sur le terrain, et souligne l’importance des petits gestes d’humanité en toute situation.

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