De son Écosse natale, où il est élevé à la dure par un père presbytérien de stricte observance, John Muir gagne à onze ans les États-Unis, avec sa famille en exode, et quitte l’école pour défricher un bout de terre dans le Wisconsin. «Dans cette ferme installée au bord du monde policé, il connut une enfance rude et sauvage, pas toujours facile, mais à laquelle il est reconnaissant de lui avoir appris l’essentiel, l’essentiel au sens propre: l’essence, la vie, l’amour de toutes les créatures.» Il travaille dur avec ses frères et sœurs, sous «la volonté inflexible de leur père, avec une ténacité exceptionnelle».
Vers 15 ans, il vole chaque jour quelques instants pour la lecture et se met à inventer différentes machines. Habile, inventif, mais timide et casanier, il quitte sa famille, s’inscrit à l’université, puis devient botaniste. «Animé par l’envie de pénétrer toujours plus loin dans la beauté divine, infinie, vivante, il quitte l’Université du Wisconsin pour l’université de la Nature Sauvage.» J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond: voilà son programme de vie et il s’y tiendra durant les cinquante années à venir. «Je me suis mis en route, libre et joyeux, le 1er septembre 1867. Mon projet était d’aller simplement droit devant moi, approximativement au sud, par le chemin le plus sauvage.»
Il dessine et consigne tout sur des carnets qui ne le quitteront jamais et dont les contenus seront retranscrits et publiés après sa mort. «C’était vif, drôle et poétique, c’était le voyage d’un baladin qui va sur les routes et cueille le bonheur du jour, les paysages, les anecdotes et qui les restitue au plus simple, au plus vivant […] Tout résonne en lui et nous touche par sa grande sensibilité, sa liberté intérieure.» Son âme est « cristalline, affûtée, en éveil permanent ». Alexis Jenni le compare à Basho, le moine errant et poète de l’ancien Japon.
Floride, Cuba, Caraïbes, Panama, Californie, Alaska puis un tour du monde. Il trouve l’extase sur les hauteurs de la Sierra de Californie, au-dessus de la vallée de Yosemite. Il lit tout ce que la science du moment produit, commence à écrire des articles scientifiques et des livres et entretient des relations épistolaires abondantes.
John Muir se révolte devant la nature maltraitée, les forêts détruites et mène un combat «écologique», car la destruction de la Nature annonce la destruction de l’Homme. Il initie ainsi le projet du Parc national de Yosemite et fonde en 1892 le Sierra Club, la plus ancienne association de protection de la nature du monde qui vise à protéger la Sierra Nevada.
L’auteur de cette biographie laisse parler son cœur et témoigne avec amitié et empathie de son émerveillement pour cet homme disparu depuis un siècle, «personnage fantastique et barbu, un vagabond magnifique, libre et plein d’humour (…) Muir est l’ancêtre de toutes les explorations, de toutes les joies du premier pas dans la Nature, quelle que soit l’ampleur de ces pas.» Dommage que son nom ne soit pas mentionné sur la page de couverture du livre…