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mardi, 08 juin 2021 11:06

Nicolas Bouvier ou l’usage du savoir

BischoffLiouba Bischoff
Nicolas Bouvier ou l’usage du savoir
Genève, Zoé 2020, 270 p.

Son œuvre est devenue la référence indispensable, un classique de la littérature du voyage. Le voyage, dit Nicolas Bouvier, «n’est qu’une modalité d’une quête bien plus vaste qui remonte à l’enfance et ne se poursuit pas moins dans les bibliothèques que dans le vaste monde». L'écrivain oscillera cependant toute sa vie, nous dit l’auteure de ce livre, entre «le désir de connaître et la nécessité d’ignorer […] dans une dialectique entre encyclopédisme et désencombrement».

Nicolas Bouvier, en effet, n’a eu de cesse de souligner la vanité du savoir accumulatif et le risque du dogmatisme ou de la pédanterie, tiraillé qu’il était entre la culture savante et la culture populaire, entre l’expérience directe et la médiation livresque. «Il ne faut pas lire, il faut voir», disait déjà Jean-Jacques Rousseau. Alors, voyage ou lecture? Voyage et lecture? «Dans la tentation de l’ignorance et la soif de connaissance, le rapport au savoir est bien placé sous le signe de l’ambivalence.»

S’affranchir des livres pour laisser place aux leçons de la route, rééduquer les sens: la marche et le regard sont les voies d’accès à la connaissance d’un pays. La lecture cependant rejoint le vécu et donne lieu à des rencontres aussi riches qu’insolites. Nicolas Bouvier a voulu rendre l’histoire et la géographie les plus vivantes possibles comme le ferait un chroniqueur ou un conteur, et en tout cas un «amateur érudit», pour vulgariser le savoir ethnographique en transmettant en parallèle des expériences et des impressions subjectives. «La vertu d’un voyage, c’est de purger la vie avant de la garnir» (L’usage du monde). «Sa manière de voyager, remarque Liouba Bischoff, -faite de déplacements mais aussi de longs séjours- brouille les définitions de l’ethnologue et du voyageur.» Il est un digne héritier de Montaigne, qui a joué un rôle structurant dans son usage du savoir.

Liouba Bischoff, maître de conférence en langue et littérature françaises à l’École normale supérieure de Lyon, s’est spécialisée entre autres dans les récits de voyage. Elle s’est plongée dans toute l’œuvre de Nicolas Bouvier, y compris ses carnets inédits, pour analyser l’usage des savoirs qu’il a développé. Elle nous donne un exposé magistral sur l’écrivain-voyageur tiraillé entre «un idéal d’équilibre et de mesure, entre érudition et mise à distance, entre le cancre et le lettré».

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