samedi, 06 novembre 2010 11:00

Ecoles, place aux religions !

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La question de la référence à Dieu ou au christianisme dans les documents constitutifs de l'identité européenne a été durant quatre ans l'occasion de belles empoignades et de débats passionnés, jusqu'à l'adoption en 2004 de la Constitution de l'Europe et de son préambule ainsi libellé : « S'inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine... » Quelle que soit leur conception de la laïcité ou leur niveau de sécularisation, les Etats européens ont ainsi reconnu que la dimension religieuse est l'un des socles du patrimoine commun des peuples européens. Une conclusion qui peut être étendue à la Suisse, centre du continent.

Qui dit patrimoine, dit nécessité de protection, mais aussi d'évolution.[1] Et qui mieux que l'école est apte à concilier le devoir de mémoire et celui d'intégration de nouveaux savoirs, pour former des futurs citoyens capables de répondre aux défis naissants ? Cette entrée en matière a pour but de défendre un enseignement des religions à l'école publique obligatoire, adapté à notre société pluriculturelle et multireligieuse. Selon leur histoire confessionnelle et politique, les cantons suisses proposent actuellement une sensibilisation aux religions noyée au sein d'autres domaines enseignés (histoire, français, droit...) ou, au mieux, des programmes d'enseignement des religions encore en gestation.[2] Peut mieux faire ! Car l'accès des écoliers à la diversité des cultures religieuses est un complément essentiel à leur compréhension du patrimoine de l'humanité et à leur apprentissage du vivre ensemble en Suisse.

Certains s'inquiètent du relativisme religieux qu'un tel enseignement induirait. Un cours sur l'Islam, dans ce mode de pensée, est perçu comme un outil de légitimation de la présence des musulmans sur notre sol. Face au brassage des populations dans notre pays, nous avons en effet deux options : le rejet ou l'intégration. Nous pouvons rester sur une ligne défensive en refusant, par exemple, tout ce qui risquerait de briser le « monopole chrétien ». Ou alors, nous pouvons privilégier une démarche d'intégration, à la suite de la campagne Migration 2010[3] de la Conférence des Eglises européennes (KEK) : « Reconnaissant que la migration est une réalité partout présente dans la société d'aujourd'hui et consciente que ce phénomène lance des défis aux sociétés, aux institutions politiques et aux Eglises, l'Assemblée de la KEK a confirmé l'obligation faite aux Eglises et à chaque chrétien ou chrétienne d' "accueillir l'étranger"... » Accueillir, c'est se mettre en relation avec l'autre, c'est l'aider à s'intégrer chez nous et reconnaître en même temps ce qu'il amène.

Si on part de l'idée que l'ignorance ouvre la voie de l'intolérance, quel lieu, encore une fois, est plus approprié que l'école pour l'éducation au dialogue ? Enseigner les religions à l'école permettrait non seulement aux enfants étrangers de mieux appréhender les valeurs de la société dans laquelle ils vivent, mais aussi aux écoliers suisses, confrontés aux chocs des cultures, de développer leurs capacités de dialogue et de regard critique face à d'autres croyances, d'autres moeurs. Cela demande évidemment des professeurs formés en conséquence et un programme réfléchi.

Finalement, et ce ne serait pas là la moindre des portées d'un enseignement du fait religieux, la curiosité des enfants pour cette réalité anthropologique serait éveillée ! Ne peut-on imaginer qu'en montrant aux élèves que depuis la nuit des temps la dimension transcendante façonne l'histoire de l'humanité, on les aide à reconnaître leur questionnement spirituel ? C'est là où l'enseignement religieux, celui de la transmission de la foi, du ressort des Eglises et des autres communautés religieuses, devra prendre le relais.

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