Quel bonheur ?
Une récente publicité sur les véhicules des Transports publics de Genève donne à penser : « Et vous, le bonheur, vous l’envisagez comment ? » Cette question, pour le moins directe, introduit excellemment ce numéro de choisir qui, cet été, privilégie une série de considérations sur ce qui peut rendre heureux. Nous disons « bonheur », mais de quoi parlons-nous ? Quant nous souhaitons beaucoup de bonheur à ceux et celles qui nous entourent, par exemple en reprenant la célèbre et familière expression régionale « tout de bon ! », qu’est-ce que nous voulons dire ? Certes, ne nous échappent pas les subtiles différences entre le plaisir, la satisfaction, l’enchantement, le ravissement, l’euphorie, le bien-être. Et sur ce vaste horizon, la paix, la joie ont aussi leur place. En brassant tous ces termes, nous nous demandons de quel tiroir va sortir le « bonheur », celui auquel nous aspirons. Et voilà que, dans le souvenir de nos lectures, l’une des réflexions pertinentes d’Henri Bergson nous revient à l’esprit : « On désigne par bonheur quelque chose de complexe et de confus, un de ces concepts que l’humanité a voulu laisser dans le vague pour que chacun le détermine à sa manière. »[1]
Pauvreté, chômage, suicide, drogues... Le sommaire de ce numéro égraine un chapelet de misères, de situations de précarité ou de violence. Qu’on ne s’y méprenne pas, si la réalité n’est pas masquée, elle ne se veut pas pour autant écrasante. Au fil des articles, on se rend compte du nombre de gens qui se sont impliqués pour soulager leurs semblables, et des progrès réalisés sur le plan humanitaire en l’espace de deux siècles. Le XIXe siècle vit naître la Croix-Rouge ;[1] le XXe siècle fut, certes, celui de massacres innommables,[2] mais aussi celui des luttes pour les droits humains, sociaux et syndicaux. Quelles avancées éthiques nous réserve le XXIe siècle ? Qu’inventeront nos enfants ? Car si l’Occident a fait des bonds en avant inouïs sur le plan humanitaire et social, ces acquis doivent constamment être protégés et adaptés aux changements. Oui, la guerre contre la drogue a échoué. Oui, l’appauvrissement des classes moyennes est une réalité et le nombre de sans-abri, de mendiants, de chômeurs est en croissance. Oui, les solutions politiques s’avèrent souvent décevantes dans la pratique. A lire Olivier Guéniat,[3] membre de la Commission fédérale pour les questions liées aux drogues, on se dit que tout est à ré-inventer à chaque fois ! Affronter les échecs, chercher des pistes d’évolution reste un devoir citoyen qui interpelle chacun d’entre nous.