jeudi, 06 décembre 2007 01:00

Enfin, le silence de Noël

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Je me souviens très bien de ce soir-là. La conversation durant le repas était animée et soudain l'un de mes amis, emporté par la dynamique de son argumentation, a dit abruptement à l'un de ses voisins : « Tais-toi ! » Sur le moment, la rudesse du propos étonna les convives. Chose curieuse, loin de garder en mémoire le ton discourtois de cette remarque, cet incident m'a rendu un grand service. L'expression malheureuse du « Tais- toi ! », dans l'esprit du classique « Silence dans les rangs ! » ou de la célèbre formule de Georges Marchais « Taisez-vous, Elkabbach ! », est devenue de la sorte une occasion de réfléchir sur les richesses du silence. Celui-ci, en effet, reflète la diversité de nos situations humaines et spirituelles.

Alors que nous risquons d'être bientôt entraînés dans l'agitation qui précède et accompagne la période des fêtes de fin d'année, celle de Noël et celle du nouvel an, je continue de m'interroger sur la qualité du silence auquel nous aspirons tous et toutes, spécialement durant les prochaines semaines. Il est des silences éloquents qui reflètent notre approbation et des mutismes qui disent nos mécontentements. Je peux aussi me taire de manière glaciale ou tout simplement pour me mettre poliment, et non moins efficacement, à l'écart des autres. Je connais également des silences, non pas lourds ou dévastateurs, mais qui, dans une prévenance chaleureuse, se teintent de paix et de bonheur à partager. Au terme de l'année 2007, dans le flot des informations qui nous rejoignent, quel silence avons-nous le désir de découvrir pour sortir de nos préoccupations, de nos inquiétudes ? S'agit-il seulement de se taire ?

Au-delà du bruit commercial qui entoure ces semaines dites festives et des commentaires sur le choix des cadeaux et la composition des menus, ne sommes-nous pas plutôt invités à revisiter ces zones profondes de silence qui tissent notre personnalité, avec ses impressions, ses émotions, ses souvenirs proches et lointains, ses projets ? Un silence pour soi. Un silence pour les autres. Bien plus, quelle est la tonalité du silence à laquelle nous aimerions être sensibles durant les jours qui viennent ? Allons-nous continuer à prendre part délibérément à des bavardages superficiels ou plutôt nous disposer à nous rendre attentifs à ce bon silence, chargé d'émerveillement, afin d'entendre ce qui, chaque année, nous est rappelé : « Et le Verbe s'est fait chair, Il a habité parmi nous. »

Le temps qui nous prépare à la fête de Noël 2007 ne deviendrait-il pas un temps privilégié non seulement pour se taire, mais pour écouter ? Pour entendre le silence de l'Enfant de la crèche, le Fils de Dieu. Le silence auquel nous sommes invités, ce n'est donc pas seulement l'absence de bruit extérieur, ni la mise à l'écart - toujours difficile - des pensées et des inquiétudes qui nous habitent. Il s'agit d'une descente, patiente et bienveillante, là où nous prenons le parti de ne plus tout organiser, tout contrôler, tout diriger. Nous rejoignons ainsi ce que les maîtres spirituels recommandent à leurs disciples, de se tenir en présence de Dieu ou de son Fils en disant simplement : « Tu es là et je suis là. »

Bienheureux bergers qui, dans leur fervent désir de trouver le Christ là où il était, n'étaient heureusement pas englués dans une volonté de pouvoir ni encombrés de verbiage navrant. Dans la nuit, leur veille prenait appui sur des composantes familières chargées de sens, de bon sens : la recherche de traces, d'indices, une sensibilité aux changements, et surtout l'attente, forte et discrète, du Sauveur, le Verbe de Vie !

Décidément, taisons-nous. Car le silence se révèle une source de vie et, pour y accéder, cela se travaille. C'est le langage de l'homme intérieur qui se prépare à entendre un appel qui le concerne : « Mes brebis écoutent ma voix »? En guise de conclusion, un exercice pratique nous est suggéré. A la fin du mois de décembre 2007, des milliers de jeunes, qui participent à la 30e Rencontre européenne de Taizé, seront accueillis à Genève, dans l'Arc Lémanique et la France voisine ; voilà une belle occasion de les écouter. Ils ont peut-être quelque chose à nous dire? Sur la jeunesse d'aujourd'hui et sur l'Eglise de demain !

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