lundi, 06 septembre 2010 12:00

Vatican : hardiesse automnale

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Après la trêve de l'été, consacrée essentiellement à l'écriture et à l'étude, Benoît XVI s'apprête à remonter sur les tréteaux de l'histoire avec un « drame » en deux actes : en lever de rideau, son voyage à très haut risque en Angleterre et en Ecosse, du 16 au 19 septembre, suivi par l'Assemblée spéciale du Synode des évêques catholiques pour le Moyen-Orient, une grande première, du 10 au 24 octobre ! Ces deux événements majeurs n'ont pas de rapports directs, ils illustrent néanmoins les défis d'une saison surchargée. Il faudrait citer encore le rapprochement entre le Vatican et le patriarcat orthodoxe de Moscou, où le cardinal Tarcisio Bertone, Secrétaire d'Etat, est attendu au début de l'an 2011. Un changement de climat - comme la levée des excommunications réciproques entre Istanbul et Rome, le 7 décembre 1965, à la veille de la clôture du concile Vatican II - représenterait un progrès inespéré.

Pour l'heure, ne rêvons pas. Espérons d'abord que la visite de Benoît XVI au royaume de sa Gracieuse Majesté ne tourne pas au désastre. La crainte existe de voir cet événement majeur réduit à des discours protocolaires alors qu'une réconciliation entre Rome et Londres semblait encore, voici quelques années, de l'ordre d'une issue réaliste au schisme de 1534, sous le règne turbulent d'Henri VIII. L'Eglise anglicane, elle-même divisée, n'a pas voulu ou su préserver les espoirs acquis au cours d'un siècle de patients rapprochements. Mais Rome, inflexible sur la question du célibat sacerdotal, n'a pas accéléré non plus l'évolution du dossier, chargé aujourd'hui de nouveaux contentieux : l'ordination sacerdotale et épiscopale des femmes dans l'anglicanisme et la publication par Rome de la Constitution apostolique Anglicanorum Coetibus (9 novembre 2009) [1].

C'est dans ce contexte tendu que le pape s'apprête à béatifier le cardinal John Henry Newman (1801-1890), une figure très riche de l'Eglise anglicane qui rejoignit le catholicisme romain en 1845,[2] et à rencontrer les catholiques romains du pays. Il faudra beaucoup de diplomatie à Benoît XVI pour assumer sa mission sans tomber dans les platitudes où le protocole du gouvernement britannique risque de le contraindre en cherchant à éviter les questions réellement brûlantes, pour se concentrer sur des sujets prétendument « plus importants » comme l'égalité, l'éducation, le désarmement ou la solidarité sociale. Ce sont là des thèmes qui méritent attention, mais dans un cadre plus approprié !

Après l'Angleterre, le Moyen-Orient ! On dirait que le Vatican, d'ordinaire si prudent, quitte à perdre son temps en précautions dérisoires, cherche en cet automne à affronter les difficultés. Une hâte à laquelle Benoît XVI, dont l'âge avance, n'est peut-être pas étranger. Le Synode sur le Moyen-Orient, dans la structure proposée, n'a pas connu de précédent. Il se tiendra à Rome afin de ne fâcher aucune sensibilité locale. Son ordre du jour porte en exergue une belle phrase des Actes des Apôtres : « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul coeur et une seule âme » (Ac 4,32). En d'autres termes : l'exact contraire de la situation actuelle au Proche-Orient ! Entre les violents conflits qui agitent la région, l'évolution de l'islam, le problème croissant de l'émigration chrétienne vers des régions moins précaires, les rapports avec le judaïsme et les tensions entre les Eglises, le Synode se propose de redonner aux chrétiens une « vision claire de leur présence au Moyen-Orient » et de leur mission parmi les citoyens de chaque pays (arabes, turcs ou iraniens et, bien entendu, israéliens).

Derrière la formule polie se cache une angoisse tenace : les minorités chrétiennes vont-elles survivre au Moyen-Orient ? Même en Terre sainte, elles se sentent en danger, contraintes de s'expatrier. Pour ne rien simplifier, « certaines théologies chrétiennes fondamentalistes, lit-on dans le document préparatoire, justifient par l'Ecriture sainte l'occupation de la Palestine par Israël ». On ne fait pas mieux pour rendre la position des chrétiens arabes encore plus délicate ! Il revient à Benoît XVI de présider le Synode, dont il est impossible de prévoir le résultat et qui risque bien de décevoir. Inutile d'espérer qu'il résoudra en quinze jours des conflits vieux de quinze siècles, si ce n'est de toujours ! Mais cette assemblée a le mérite d'oser exister. Au moins ne pourra-t-on pas reprocher à ce pontificat d'avoir systématiquement refusé le combat et contourné l'obstacle !

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