lundi, 27 juin 2016 15:42

L’apôtre des apôtres

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On le sait depuis peu : on ne se contentera plus de faire « mémoire » au calendrier romain de sainte Marie-Madeleine, mais la liturgie fêtera les 22 juillet Marie de Magdala, comme elle le fait pour la Vierge Marie et pour les apôtres. C’est plus qu’un simple remaquillage d’une sainte trop souvent représentée comme le modèle de la pécheresse à la suite d’une bourde exégétique magistrale du pape Grégoire le Grand (en 591). C’est lui qui conduisit l’Eglise de Rome à faire de toutes les « Marie » (à l’exception de la Vierge) une seule et même femme, et à faire porter à cette « pécheresse » anonyme le nom de Marie de Magdala. L’Eglise orthodoxe, par contre, a toujours fait la distinction entre les différentes Marie.

Les Pères de l’Eglise, pourtant, ne s’étaient pas trompés sur le compte de Marie de Magdala, eux qui lui donnèrent les titres justifiés de « Nouvelle Eve » et d’« apôtre des apôtres ». Mais l’importance que l’Evangile donne à celle qui la première fut présente au tombeau le jour de Pâques ne pouvait être ressentie que comme portant ombrage aux Douze, particulièrement à Pierre. De là se développa une mystique subtile : pour magnifier le don extraordinaire du pardon du Fils de Dieu, il importait d’insister sur l’extrême indigence d’une femme pécheresse. Fleurirent alors les cathédrales dédiées à Marie-Madeleine, lieux de pèlerinage incontournables pour pénitents en repentir (Vézelay, la Sainte-Baume...et jusqu’à la Madeleine de Paris !) et tant d’œuvres d’art sublimes qui soutiennent une certaine piété doloriste.

Cette position, heureusement, a été abandonnée par l’Eglise catholique après Vatican II : en 1969, Paul VI a décrété que Marie de Magdala devait être fêtée comme « disciple », l’Eglise ne considérant plus Marie-Madeleine comme une prostituée repentie ; puis Jean-Paul II a montré, dans Mulieris dignitatem, combien cet événement était révélateur de la volonté du Christ de transmettre la vérité divine aux femmes, sur un pied d’égalité avec les hommes ; le pape François aujourd’hui, en soulignant l’importance de Marie de Magdala, modèle authentique d’évangélisation, qui a tant aimé le Christ et que le Christ a tant aimée, nous invite à voir dans le don de Dieu plus l’Amour que le péché.

Pour les quatre évangiles, Marie de Magdala fut le premier témoin de la Passion du Christ et de la Résurrection. Mais c’est probablement le témoignage de Jean qui est le plus présent dans l’intention du décret du pape François : Marie ne reconnaît pas tout de suite le Christ au tombeau et elle essaie de le toucher, ce qui lui vaut la réplique : « Ne me retiens pas » (Jn 20,17). C’est précisément ce message qu’elle va annoncer aux apôtres et qu’elle continue d’annoncer au monde : le Christ ressuscité ne renonce en rien à sa nature d’homme, mais Lui, l’amoureux par excellence, lui offre et nous offre un Amour infini. Faire de Marie de Magdala l’apôtre des apôtres, c’est révéler combien l’Amour de Dieu s’enracine dans nos amours terrestres, les élevant jusqu’au Sublime.

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