mercredi, 06 mai 2009 12:00

Donner du sens à son travail

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On a appris en mars passé le lancement d'une nouvelle expérience : les élèves d'une classe secondaire du canton de Berne sont rémunérés en fonction de leurs notes. Objectif : mesurer leur motivation. Qu'on mette en place en Suisse une telle étude confirme une tendance inquiétante. De plus en plus de jeunes affichent des difficultés d'apprentissage liées à un manque de motivation. Or cette absence de désir d'apprendre découle justement du fait que la nécessité de trouver plus tard un travail qui les fasse vivre soit parfois leur seul objectif (pour les plus « optimistes », de gagner plein d'argent !). Le psychologue Abraham Maslow l'a démontré : une population dont les besoins élémentaires sont assurés a besoin d'autres motivations que matérielles pour avancer. La crise économique et les licenciements en chaîne qui s'ensuivent, la concurrence induite par l'ouverture des frontières aux salariés d'autres pays mènent nos jeunes à baisser les bras par avance. Car ils ne voient plus le travail comme un lieu où ils pourront satisfaire d'autres besoins, comme celui de relation ou de réalisation, qui va de pair avec l'estime de soi et le sentiment d'être utile.

Comment ne pas les comprendre ? C'est toute la notion de travail qui doit être revalorisée aujourd'hui. Depuis 1889, nous fêtons le travail le 1er mai. Instituée par la IIe Internationale socialiste dans le cadre des luttes ouvrières, cette journée rappelle que les travailleurs doivent être « reconnus ». Par la société et leurs employeurs bien entendu, mais aussi et surtout par eux-mêmes ! La crainte de perdre son emploi, les enjeux de pouvoir, des objectifs purement financiers peuvent avoir raison du plaisir que retire une personne à oeuvrer dans une entreprise. Et si en sus elle ne trouve pas de sens à son travail, la dépression n'est plus loin. Les motivations matérielles ne remplacent jamais à long terme ce besoin de l'humain à donner du sens à ce qu'il fait.

Certains, les privilégiés, vivent leur vocation dans leur travail. Les objectifs de leur profession sont conciliables avec les valeurs qu'ils défendent. Ils s'y reconnaissent. D'autres, bien plus nombreux, « font avec ». La lassitude, le pourquoi faire ne sont jamais loin. Ou pire : le dessèchement de l'âme, surtout s'ils se retrouvent en porte-à-faux avec leur éthique. Les plus chanceux encore, ceux qui ne craignent pas d'être licenciés s'ils affichent leur désapprobation, peuvent plus facilement s'exprimer en défendant leurs idées. En accord avec leurs valeurs, ils maintiennent ainsi une forme de paix de l'âme. Ce combat pour ce qui nous anime se joue à tous les niveaux et tous les milieux, même (ou surtout !) en Eglise où la notion d'obéissance est plus prononcée. Car au-dessus, reste la conscience. Les récents événements l'ont démontré. Des prêtres et des évêques ont manifesté leur désapprobation par rapport au Vatican, ce qui est un signe de santé.[1]

Si notre équilibre psychique dépend beaucoup de cette harmonie, notre vie spirituelle nous aide à la retrouver. Les philosophes contemporains valorisent nos émotions. Elles seraient fondamentales dans la distinction du bien et du mal.[2] Encore faut-il apprendre à les entendre et à discerner entre ces différents mouvements du coeur. Comme le rappelle Bruno Fuglistaller,[3] les Exercices spirituels d'Ignace de Loyola permettent de distinguer ces mouvements intérieurs, « pour mieux conduire notre vie spirituelle et développer une relation au monde plus féconde ». Cette attention intérieure se révèle porteuse dans notre vie professionnelle où le chemin de l'épanouissement peut être si ardu. Y développer ses dons, les mettre au service de ce qui nous habite prend des contours inattendus. Une relation difficile, une crise devient une possibilité de se développer, de se découvrir de nouvelles ressources et, ce faisant, peut-être même de devenir un exemple pour une équipe. Agir là où nous le pouvons en accord avec nos valeurs (respect, accueil de l'autre, recherche du bien commun, etc.) peut se transformer en objectif de travail et de vie. C'est ce que nous devons transmettre à nos jeunes. Qu'il est possible de Gagner sa vie sans perdre son âme.[4]

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