dimanche, 06 septembre 2009 12:00

Retour de vacances

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Avec la fin de l'été, c'est le retour de vacances : dans l'abondant courrier qui s'est accumulé, une série de cartes postales. C'est toujours sympathique de rejoindre les amis là où ils sont allés changer d'air. Cela permet de voyager à bon compte et les quelques lignes au dos, griffonnées souvent à la hâte, prennent toute leur valeur lorsque la signature rappelle un visage connu. Défilent alors des images plus précises que le commentaire manuscrit vient détailler : temps merveilleux, chaleur étouffante, excellente cuisine, soirées animées entre amis, détente en famille, séjour culturel enrichissant? Certes d'autres messages peuvent assombrir le tableau, car il est aussi parfois question de pluie abondante, de grisaille lancinante, de gens peu amènes dans un groupe organisé sans intérêts? Puis, dans toute la paperasse administrative qui ne prend jamais de congé, dans le tas de ces publicités toujours plus encombrantes, surgissent quelques lettres plus fragiles à ouvrir lorsqu'on y reconnaît une écriture ou une adresse connue. Là encore que d'émotions, entre l'annonce d'une naissance prochaine, la maladie qui poursuit inexorablement son travail destructeur chez tel parent d'un ami, le décès accidentel de l'être aimé, la séparation de couples ou l'invitation à la fête prochaine? Jamais autant qu'à cette période de l'année, l'accumulation de tant de messages dessine un kaléidoscope de sensations, difficiles à gérer voire à digérer. Et il faut répondre à tout cela ! Et en même temps, c'est la reprise du travail?

La rédaction n'échappe pas à cette règle annuelle. Les articles sont arrivés, livrant leur lot d'émotions, d'interrogations, d'analyses d'événements divers. Ce numéro en est riche, tant par la diversité des sujets traités que par la profondeur des critiques émises. L'ensemble peut paraître un peu sombre, au sortir de l'intense lumière des jours d'été. Mais si nos églises se vident, ne serait-ce pas parce qu'on ne sait plus y trouver le sens dont chacun a besoin pour nourrir son combat quotidien ? François-Xavier Amherdt,[1] en homme de terrain, nous invite à retrouver la valeur symbolique des gestes posés au quotidien. Il est bien utile de suivre son analyse pour retrouver le vrai sens des mots, surtout lorsque le langage populaire tend à confondre « symbolique » avec « imagé », comme on raconte une histoire pour expliquer l'inexplicable. Et pourtant, quelle profondeur de sens se cache dans chaque symbole !

Aujourd'hui, au risque de ne pas supporter de vivre, on préfère proposer de bien mourir. Mais qui peut s'ingérer dans cette interrogation que seul l'individu doit résoudre, au péril de sa liberté ? Yvan Mudry ose reposer la question,[2] à l'heure où diverses associations dans notre pays revendiquent le droit d'accorder une aide au suicide, en réclamant du même coup - quel paradoxe ! - un peu plus d'humanité auprès de celles et ceux qui tentent encore de défendre le droit le plus élémentaire de chaque individu : celui d'exister, donc de vivre ! Et c'est bien cette Vie, que chantait, criait, hurlait parfois le Grand Jacques, dont Jerry Ryan rappelle le souvenir [3] à l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de sa naissance. Comme nul autre pareil, Jacques Brel, cet écorché vif, savait trouver les mots pour décrire l'insoutenable légèreté des gens qui se prennent pour ce qu'ils ne parviendront jamais à être : « Chez ces gens-là, Monsieur », ironisait-il pour ne pas en pleurer. Faut-il être poète pour se risquer à dire vrai ? Et à être entendu ? Invitation est faite à celles et ceux qui en ont le talent, de prendre le relais de Celui qui a lancé à la face du monde, un soir de grand vent : « Heureux les pauvres ! »

Ils rempliront alors, non les églises devenues trop froides, mais tous les coeurs affamés de justice, assoiffés d'espérance. Ils rejoindront, au plus profond d'eux-mêmes, celles et ceux qui osent encore, et malgré tout, croire. Celles et ceux qui prennent le risque d'ouvrir devant eux cet espace de liberté que seul l'autre - avec ou sans « a » majuscule - est invité à franchir, sur la pointe des pieds, délicatement et en toute discrétion, pour respecter ce qui, en chacun, germe toujours nouveau pour donner Vie.

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