jeudi, 03 mars 2016 15:53

Pas de souci !

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« Pas de souci ! » Cette expression, familière et rassurante, fait partie du vocabulaire de bon nombre d’entre nous. Elle court dans les magasins, sur les quais de gare, dans les cliniques, les banques, et même à la maison. Les lecteurs de ce numéro de choisir, au travers des réflexions qui sont proposées sur le travail à l’heure du numérique[1] et sur le « transhumanisme »,[2] vont se réjouir ou s’inquiéter en découvrant ce que les scientifiques nous préparent dans l’ombre. Des recherches dans l’univers médical et technique se développent rapidement. Une logique rigoureuse, notamment dans une perspective thérapeutique, vise à créer des humains toujours plus performants. Ainsi se mijote dans les laboratoires, avec discrétion et efficacité, une forme d’humanité nouvelle. Ainsi certaines avancées technologiques étonnantes nous libèreront à coup sûr des tracas quotidiens et seront accueillies avec bonheur.

Tandis que vous ouvrez ces pages avec intérêt et qu’un appel sur votre téléphone portable vous sollicite, votre regard se porte sur une liste détaillée de ce qui est « à faire » et qui languit lamentablement sur votre bureau. Elle vous saute au nez, avec ses priorités, ses délais incontournables, ses préoccupations. Une lutte incessante avec et contre le temps... Un combat personnel au jour le jour, heure par heure. Quelle lumière apaisante dans le déroulement de nos activités et responsabilités quotidiennes nous offre alors la robotisation ! Avec le précieux concours d’un fidèle et performant « mobile », la température du chauffage de l’appartement est réglée pour nous accueillir chaleureusement, l’inventaire de ce qui manque dans le frigidaire est soumis à vérification et les commandes sont passées. Avec de tels instruments techniques, un espace nouveau s’ouvre sur notre horizon. Décidément, l’expression « pas de souci » fait florès, plus que jamais.

Dans ce courant impressionnant de mises au point technologiques, de plus en plus pointues et réconfortantes (spécialement dans le domaine médical), surgit toutefois la célèbre réflexion du général de Gaulle : « En cas de difficulté, prenez de la hauteur, on ne s’y bouscule point ! » Il semble même que la ligne à suivre vis-à-vis de ces explorations est non seulement de prendre de la hauteur, mais aussi de les appréhender en prenant de la profondeur, notamment en pensant à la société qui se prépare et dans laquelle quelques-uns d’entre nous vivront. Alors que la civilisation occidentale, encore « théocentrée », glisse vers un univers « techno-centré », il y a assurément de quoi se faire du souci...

Les conséquences sociales, culturelles et éthiques de ces con­quêtes technologiques se présentent comme un impressionnant défi, qui concerne aussi bien les secteurs industriels, les marchés financiers et commerciaux que les foyers, les familles. Quel est et quel sera le prix (le coût et les effets sociaux) de ces investissements ? Des questions majeures resteront inévitablement à résoudre. Toutes les tâches développées par les logiciels, même les plus affinés, ne sauront imiter les essentiels de l’existence : aimer, désirer, contempler, sourire...

Certes, la stricte rationalité scientifique est estimable, mais convenons qu’elle laisse de côté la question du sens convivial de notre passage sur Terre. Et quoi qu’il en soit, celles de la vie, de la rencontre de visages humains et, inéluctablement, celle de la mort. Quand des pages stimulantes et inquiétantes de l’histoire de notre univers s’ouvrent comme un « tsunami » (selon certains chercheurs), une voix intérieure nous rappelle, dans le tréfonds le plus intime de notre être, que nous ne nous sentons pas très à l’aise. La formule branchée « y a pas de souci » en prend un sacré coup ! La résurrection du Christ, homme parmi les hommes, qui est célébrée à la fin de ce mois de mars 2016, nous invite à accueillir les recherches scientifiques avec discernement. Belle fête de Pâques !

[1] • Voir l’article de R.-Ferdinand Poswick, aux pp. 24-28 de ce numéro.
[2] • Voir les articles de Charles Delhez et de Lucienne Bittar, aux pp. 16-19 et 20-23 de ce numéro.

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