Le crépuscule est tombé sur les ruines, les recouvrant d’un voile noir que seules éclairent les flammes orangées du feu de brindilles sèches et de bois flotté allumé par le vieil homme à l’aide d’un briquet conservé avec soin dans la valise qui contient tout ce qu’il possède. Quelques vêtements, des outils, des couvertures et divers ustensiles qu’il a dénichés parmi les décombres de la ville éblouissante où il est né et a vécu, juste avant qu’elle ne soit engloutie par les flots.
Fabienne Bogádi, Genève, écrivain; traductrice et journaliste économique, la suisso-hongroise Fabienne Bogádi a été nominée pour le Prix des lecteurs de la Ville de Lausanne 2020, pour son roman Les immortelles (Lausanne, L’Âge d’Homme 2019, 216 p.).
Le lecteur ne trouvera pas ici de ces petits haïkus de rien du tout qui ont la consistance d’un nuage disparu aussitôt qu’apparu, mais le flot tumultueux d’une vie passée au filtre de la poésie, le chant d’un samouraï résonnant du cliquetis des épées comme dans un roman de Stevenson ou de Chesterton et suintant et saignant des blessures inguérissables de l’immortelle enfance, ce bloc indestructible émergeant de la mer du néant rouvertes et limées par le couteau du vers.
En couverture du livre Pensées pour une saison - Hiver, l’aquarelle de l’artiste suisse Alice Foglia (1924-2018) ouvre le chemin. Après 17 ans dans le bush australien, Gabriel et Jacqueline Bittar sont revenus prendre leur retraite en Suisse. Gabriel, qui aime vivre caché, veut aussi partager avec d’autres ce qui l’a animé chaque jour et qu’il a noté au fil du temps, «au contact étroit de la nature profonde» et avec ses chats qui lui ont donné «des leçons de vie». C’est une sorte de journal, remanié, réorganisé, des libres propos en toute liberté pour prendre du recul et essayer de comprendre le monde. Quatre tomes sont prévus, un par saison, et le deuxième, Printemps, vient de sortir.
Ainsi soient-elles est un film-documentaire (2019) d’un homme, jeune, sur des femmes, âgées et féministes, les sœurs auxiliatrices du Québec. Sa justesse de ton prouve que quand une personne sait se mettre à l’écoute, au service, il peut capter l’essentiel, même quand celui-ci se situe à des années lumière de sa propre vie.
C’est en sillonnant le Québec que le français Maxime Faure, 30 ans, rencontre les sœurs auxiliatrices du Québec. Cette congrégation religieuse féminine a été fondée à Paris en 1856, et est aujourd’hui implantée dans 22 pays. Ses constitutions sont rédigées selon celles de la Compagnie de Jésus.
Le Misanthrope, dans une interprétation intense de Lambert Wilson, était de passage en ce mois de février en Suisse romande. On le retrouvera les 17 et 18 mars sur la scène du BFM, à Genève. La mise en scène classique et sobre signée par Peter Stein, grand réformateur du théâtre allemand dans les années 70-80, est fidèle à l'esprit de Molière.
"Flutumfangen" (1876) Frank Buchser © Kunstmuseum BernAlors que plane la crainte d’un chaos planétaire, le Kunstmuseum de Berne tente d’illustrer Tout se disloque, un poème écrit en 1919 par William Butler Yeats. Poète irlandais, il n’a eu de cesse d’interroger les maux de la société moderne, au-delà du conflit de la Première Guerre mondiale, de la Révolution russe ou du désarroi politique qui bouleversait son pays d’origine. Le paysage qui se dessine à travers les œuvres exposées des artistes suisses du XIXe siècle met en images le climat d’inquiétude qui régnait alors, et qui n’est pas sans résonance avec nos propres angoisses, cela à près d’un siècle de distance.
Tout se disloque
L’art suisse de Böcklin à Vallotton
Musée des Beaux-arts de Berne
Jusqu’au 20 septembre 2020
Parasite, de Bong Joon-HoParasite est le septième long-métrage du réalisateur sud-coréen Bong Joon-Ho. Le film a été récompensé par la Palme d’Or au festival de Cannes, et par plusieurs Oscars: meilleur film international, meilleur réalisateur, meilleur scénario original. Une véritable consécration.
Au chômage mais soudée, la famille Ki-taek habite dans un entresol misérable et vit d’expédients. Jusqu’au jour où le fils, bardé d’un faux diplôme et recommandé par un copain, se fait engager par un couple fortuné pour donner des cours à leur fille adolescente. Les Park, eux, habitent dans une grande et luxueuse propriété, avec jardin, gouvernante, yorkshires et tout le toutim. Un moment à l'humour détonant assuré!
Il y a exactement 100 ans naissait sous les doigts d’un ingénieur russe farfelu et génial, Lev Sergueïevitch Termen (Léon Theremin), le tout premier instrument de musique électronique, le thérémine. Pour fêter cet anniversaire, l’ensemble de musique contemporaine Contrechamps a organisé en janvier et février trois concerts, à Genève, Pully et Bâle, avec l’une des plus grandes solistes de thérémine, Carolina Eyck. L’instrument aux sons mystiques vit en effet aujourd’hui une nouvelle jeunesse et fascine musiciens et chercheurs.
C’est dans le cadre de la librairie du Vent des Routes, à Genève, que Laurence Deonna, le jour de ses 83 ans, le 29 janvier 2020, a présenté son dernier livre en présence de Lira Baiseitova, cette journaliste Kazakhe qu’elle a soutenue et accueillie dans son exil en Suisse.
Le 3 mai 2002, j’avais déjà rencontré Lira en compagnie de quatre femmes que Laurence Deonna avait invitées pour partager sur leur dur quotidien de journalistes agressées et poursuivies dans des pays totalitaires, pourris par la corruption. Il y avait là Lena Daneiko (Biélorussie), Hydamis Acero Devia (Colombie), Lira Baiseitova (Kazakhstan), Shiran Abadi (Iran) et Sy Koubo Gali (Tchad).
La salle était comble ce 1er février aux Scala (Genève) pour l’avant-première d'Adam, en présence de la réalisatrice Maryam Touzani et du producteur Nabil Ayouch. Ce magnifique film intimiste aborde la douloureuse question des mères célibataires au Maroc, promises à une vie solitaire dans l’opprobre général ou réduites à abandonner leur enfant ou à avorter clandestinement. Le récit est construit autour de la rencontre entre deux femmes. Un (presque) huis-clos, pudique et sensuel, qui fait la part belle au corps, porteur de vie et de mort.
Sortie en salle mercredi 5 février
On connaît le peintre de la solitude Hopper (1882-1967), le paysagiste demeure méconnu. En choisissant de privilégier cet aspect de son œuvre, la Fondation Beyeler de Riehen (Bâle) ne s’éloigne pas vraiment de ce qui fait l’essence de l’art du peintre américain, sa dimension humaine, qu’il a aussi su insuffler aux paysages.
Edward Hopper
À la Fondation Beyeler
du 26 janvier au 17 mai 2020
www.fondationbeyeler.ch/fr/
Après Ferdinand Hodler ou bien encore Zao Wou Ki, les artistes de la Vie parisienne autour de 1900 sont au Musée d’art de Pully, petit bijou qui jouxte la Maison C-F. Ramuz, dans le vieux bourg. Coup de maître que cette exposition éblouissante, avec Raoul Dufy, Toulouse Lautrec, Van Dongen, Chagall, Fernand Léger, Henri Matisse et bien d’autres, un événement né de la rencontre du musée avec une famille de collectionneurs, dont on peut voir les œuvres pour la première fois en Suisse.
Paris en fête
De l’Art nouveau au surréalisme,
le temps de l’insouciance
Musée d’art de Pully
Jusqu’au 10 mai 2020