Marie-Joëlle Guillaume
Vincent de Paul. Un saint au Grand Siècle
Paris, Librairie Académique Perrin 2015, 490 p.
Les engagements tous azimuts de Vincent de Paul entre 1617 et 1660 le décrivent comme un homme d’exception, tant sur le plan civil que dans le contexte religieux de l’époque. Sa foi en la Providence et son humilité en toutes circonstances donnent un relief rayonnant à ses initiatives.
L’historienne Marie-Joëlle Guillaume précise : « De 1633 à 1648, il fait figure d’homme-orchestre de la charité. Au cours de la décennie, il sera à la fois supérieur de la congrégation de la Mission, directeur de Saint-Lazare, supérieur des Filles de la Charité, aumônier général des galères, supérieur de la Visitation de Paris, directeur des Dames de la Charité de l’Hôtel-Dieu, président de la Conférence des Mardis, organisateur et directeur des confréries de la Charité. Quant à la seconde décennie, qui va de la mort de Louis Xlll à la fin de la Fronde, elle est le théâtre d’une extension et d’une ascension remarquables du faisceau de ses activités. » Il se déplace, il écrit, il demeure sur le terrain en contact avec les chefs, la reine, les personnes de haut rang, il garde le souci de rencontrer personnellement les paysans et les pauvres. Il a le don de susciter des bénévoles, de partager ses engagements et d’assurer le suivi dans le détail.
La France de cette période connaît un chaos indescriptible: la guerre de Trente ans, la famine, la maladie et une hécatombe. Vincent de Paul cherche par tous les moyens à obtenir la paix ; il ose des démarches audacieuses. Quant aux Filles de la Charité et aux Lazaristes, ils transforment le tissu social. La lecture de ces innombrables récits donne l’impression d’une révolution silencieuse, avec des ramifications en Italie, dans les Iles Britanniques, en Tunisie et à Madagascar.
Un aspect lumineux transparaît au travers des faits et gestes de Vincent de Paul, qui laissent deviner l’ampleur de son rayonnement : déjà « dans son siècle, les œuvres nées de lui pèsent d’un poids d’humanité que les chiffres peinent à décrire », écrit l’auteure.
Un événement important : la rencontre à Paris, en 1618, de François de Sales et de Vincent de Paul, à l’origine d’une forte amitié, écourtée par le décès de François en 1622. Vincent écrit : « Il avait une si grande bonté que celle de Dieu se voyait sensiblement à travers la sienne. »
Par son souci d’exactitude, l’auteure, spécialiste du XVIIe siècle, nous conduit à travers des situations parfois surprenantes. Son écriture vivante facilite notre immersion dans le temps. Faire route avec Vincent de Paul, ce grand personnage, ce saint du Grand Siècle, c’est retrouver avec beauté sa confiance totale en Dieu et sa sollicitude inconditionnelle envers chacun.
Jean-Charles Mouttet et François-Xavier Amherdt,
Diaconie : une question de regard
L’expérience du rencar, espace de rencontre
St-Maurice, Saint-Augustin 2014, 230 p.
Fin mai 2016, le pape François rencontrait à Rome les diacres pour célébrer les 50 ans du rétablissement du diaconat permanent, et les exhortait à sortir de leurs sécurités pour oser accueillir l’imprévu, tout en faisant montre de patience. A travers l’expérience du rencar, resituée théologiquement, cet ouvrage, bien construit et bien écrit, met en lumière la fécondité du ministère diaconal lorsqu’il part à la rencontre des innombrables marges du monde, avec miséricorde.
Matthieu Mégevand,
Les lueurs, récit
Lausanne, L’âge d’homme 2016, 190 p.
Après un précédent ouvrage remarqué sur le terrible accident de car de Sierre qui a provoqué la mort de 22 enfants en 20121, Matthieu Mégevand revient dans son nouveau récit sur un écueil de vie d’une toute autre nature, bien plus personnel. Un combat contre un cancer des ganglions dont il a souffert très jeune qu’il détaille tout en finesse dans un ouvrage autour de la maladie certes, mais aussi des notions de destin, de spiritualité et de foi.
En voici la recension par le théologien Sylvain Thévoz.
Nous trois ou rien,
de Kheiron
Le Bouton de nacre,
de Patricio Guzmán
Nous trois ou rien relate l’histoire vraie d’Hibat et Fereshteh. Né dans un village iranien au sein d’une famille modeste de douze enfants, Hibat parvient à faire des études, obtient un diplôme d’avocat, s’oppose à la dictature du Shah et se retrouve en prison. Parce qu’il refuse le gâteau offert aux détenus à l’anniversaire du despote, il est soumis à l’isolement et à la torture. Au bout de sept ans, il est relâché grâce à la pression populaire révolutionnaire.
Gustavo Gutierrez
Heureux vous les pauvres
Paris, Parole et Silence 2015, 114 p.
Il y a, nous dit le pape François dans la préface, beaucoup de formes de pauvreté : physiques, économiques, spirituelles, sociales, morales. Mais la pauvreté économique est celle que l’on regarde avec le plus d’horreur.
Eric FuchsQ
Quand l’obligation se noue avec la liberté
Genève, Labor et Fides 2015, 132 p.
C’est un riche petit ouvrage que celui d’Eric Fuchs, professeur émérite d’éthique à la Faculté protestante de théologie de Genève. Un livre dont le titre reprend l’un des trois piliers sur lesquels repose la réflexion.
Pour la deuxième édition d’Il est une foi, l’Eglise catholique romaine - Genève (ECR) a donné rendez-vous en avril passé à la population autour d’un riche programme : « 16 films, des débats et des belles occasions de rencontre ».
Gérald Morin, qui fut pendant six ans l’assistant de Fellini, a été le directeur artistique de la manifestation. Il explique les choix de cette édition, présentée sous le titre de Trouble.
Franz Kafka n’est jamais devenu un adulte. C’est le meilleur moyen pour devenir un écrivain, bien que Kafka n’ait jamais voulu en devenir un. L’enfant ne vit pas dans le monde, n’a pas besoin de reconnaissance sociale, ni de gagner son pain. Il vit dans l’imagination. Il n’a pas besoin de devenir Napoléon. Il est Napoléon. Cette puissance imaginative, l’adulte qui doit faire son chemin dans la société, exercer un métier, nourrir une famille, la perd.
En avant, marche ! Théâtre danse
mise en scène Alain Platel et Frank van Laecke
les 8 et 9 janvier au Theater Chur, Coire
Mademoiselle Werner, de Claude Bourgeyx
mise en scène et jeu Sylviane Röösli et Yann Mercanton,
au Forum Saint-Georges (Delémont), les 22 et 23 janvier, puis au Théâtre de Poche (Bienne), l’Echandole (Yverdon-les-Bains), Théâtre ABC (La Chaux-de-Fonds), Teatro Comico (Sion)
Les acteurs de bonne foi, de Marivaux
mise en scène Geneviève Pasquier et Nicolas Rossier
à la Grange de Dorigny (Lausanne), du 5 au 8 novembre, puis au Kurtheater Baden, Théâtre des Osses (Givisiez), Stadttheater Schaffhausen, Theater Winterthur,
Bicubic (Romont)
The Forecaster, de Marcus Vetter et Karin Steinberger
Sicario, de Denis Villeneuve
Des agents de la brigade anti-enlèvement du FBI dans un véhicule blindé lancé à toute allure contre un repère de tueurs à gages mexicains : le mur est défoncé et les sicarios rapidement « neutralisés ». Nous sommes pourtant à 250 km de la frontière, en Arizona. Dans les cloisons, derrière le trou d’impact d’un projectile qui a failli transpercer le corps délié de l’agent Kate (Emily Blunt), son collègue découvre trente-cinq cadavres... et vomit. Kate est alors recrutée par la CIA pour aider un groupe d’intervention d’élite dirigé par Matt (Josh Brolin), un membre de la DEA.[1]
Le Prix Rambert de la Section vaudoise de la Société d’étudiants de Zofingue est décerné cette année à Philippe Rahmy pour son roman Allegra (Éditions La Table Ronde, 2016). En 2012, choisir consacrait un article à cet écrivain et analysait son œuvre. L’écriture de Rahmy soulève la souffrance, mais elle la traverse aussi. A lire ici.
Biographiquement parlant, Philippe Rahmy est né à Genève en 1965. Il a étudié les lettres à Lausanne où il vit actuellement. Egyptologue, il est philosophe, poète et... atteint de la maladie des os de verre. Voilà pour les repères (succincts, j’en conviens), les marqueurs sociaux. Mais un diagnostic médical, cela fait-il partie d’une biographie ? Maladie des os de verre : Philippe Rahmy ! Bio, c’est vie. Graphie : écriture. Philippe Rahmy déroule une écriture de vie, dans le corps, avec l’esprit, et dans la douleur d’une souffrance qui la raconte et en la racontant, la dépasse. Les mots pèsent lourds dans sa bouche, ils ne sont pas innocents, mais forment corps, masse, presque des organes hors du corps vivant d’une vie propre.
Philippe Rahmy, en plus de collaborations régulières à la revue remue.net, (1) cofondée avec François Bon, a publié deux ouvrages majeurs chez Cheyne éditeur : Mouvement par la fin, sous-titré Un portrait de la douleur (2005), et Demeure le corps, sous-titré Chant d’exécration (2007), dans la collection «grands fonds». Ces deux livres ne pouvaient trouver meilleure collection et collection meilleurs ouvrages pour illustrer l’apnée mais aussi l’appel d’air des abysses où ils se meuvent. Grandes profondeurs, en effet.
L’écriture de Rahmy soulève la souffrance, mais elle la traverse aussi. Il ne s’agit pas ici du témoignage d’une promenade de santé. Pourtant, nul misérabilisme. Il y a une grande force dans cette exploration de l’enfermement. Mouvement par la fin, tout d’abord, commence presque à reculons : «Je me résous à parler puisque cela aussi sera emporté.» Ecriture dans le silence, mais aussi contre celui-ci. Entre l’économie d’un souffle court et des phrases qui se déroulent comme des bandages, on perçoit le pouls de celui qui s’auto-observe. La souffrance ramène, inlassablement, au corps. Mais la scission entre le corps et l’esprit est minée, rendue vaine. On comprend bien alors : le cerveau, c’est un organe et tout dans les mots sont du corps. Rahmy fait éclater les dualismes et les bipartitions. Il écrie du corps.
René Stockman
La boîte de Pandore
Réflexion sur l’euthanasie sous une perspective chrétienne
Namur, Fidélité/Editions jésuites 2015, 148 p.
Voilà un livre bien construit, honnête, provenant d’un homme dont l’autorité en la matière ne fait aucun doute : théologien flamand (actuel supérieur des Frères de la Charité), il a longtemps été directeur d’institutions psychiatriques. Le titre, La boîte de Pandore, résume bien le constat de l’auteur : la dépénalisation de l’avortement a préparé celle de l’euthanasie (en Belgique en 2002), ainsi que son combat : René Stockman s’est courageusement engagé dans le débat public. Ces deux dépénalisations, analyse-t-il, sont le résultat de la perte du sens de la vie et de la dignité de toute personne.