Anne Sandoz Dutoit
Vieillir. Un temps pour grandir
Bière, Cabédita 2014, 96 p.
L’auteure travaille comme bénévole dans un établissement médico-social. Les personnes âgées ne lui sont donc pas étrangères et la Bible non plus. Une Bible qu’elle va citer avec justesse tout au long de son livre, lequel se lit avec intérêt et émotion.
Pendant longtemps Proust ne travailla pas, occupé qu’il était à aller dans le monde, à écrire des lettres affectueuses et louangeuses à ses amis ou à des dames de l’aristocratie qui le recevaient dans leurs salons et leurs châteaux, à coucher avec des jeunes gens, du peuple pour la plupart. Mais il avait toujours conscience de perdre sa vie et son âme en futilités mondaines, et peu à peu il s’aperçut de l’insignifiance et du néant de l’amitié, du monde, des conversations et de l’amour. Un jour il cessa ses activités mondaines, s’enferma dans sa chambre comme le recommande Pascal et rappela ses souvenirs.[1]
A la recherche de 0,10. La dernière exposition futuriste de tableaux, Fondation Beyeler, Bâle
De l’avant-garde russe encore. Love in Times of Revolution. Artist couples of the Russian avant-garde,
Kunstforum de Vienne
Avec l’exposition A la recherche de 0,10, la Fondation Beyeler livre quelques-uns des plus grands noms de l’avant-garde russe, illustrés par des œuvres considérables, rarement, voire jamais, prêtées par les musées russes. Elle aborde, avec ce nouvel opus consacré à l’émergence de l’abstraction en Russie, cristallisé autour de la personnalité singulière de Kasimir Malevitch, un chapitre déterminant de l’histoire de l’art du XXe siècle. Mais au-delà de l’icône de son fondateur, l’exposition donne à voir des figures plus confidentielles, qui permettent d’apprécier la place des femmes, mais aussi des poètes ou des photographes. Ce sont là autant d’acteurs aux talents multiples qui participent de la période la plus féconde de l’art russe, dont la politique stalinienne aura finalement et malheureusement raison.
Youth, de Paolo Sorrentino et Dheepan, de Jacques Audiard
Avec Youth, le réalisateur italien Paolo Sorrentino m’a procuré le même genre d’expérience jubilatoire qu’avec son film précédent, La grande belleza, chef-d’œuvre qui avait obtenu en 2014 l’Oscar du meilleur film étranger. Youth se passe presque intégralement dans un hôtel de luxe[1] à Davos, dans les Alpes suisses. C’est là que Fred et Mick, deux octogénaires américains, ont l’habitude de se retrouver.
Yasmina Foehr-Janssens, Silvia Naef et Aline Schlaepfer (éd.), Voile, corps et pudeur. Approches historiques et anthropologiques, Genève, Labor et Fides 2015, 288 p.
Le port du voile suscite des débats passionnels. En France, en Belgique, dans certains cantons suisses,[1] des dirigeants politiques estiment que la présence sur leur territoire de femmes qui se couvrent la tête et le visage constitue un danger pour la société et que, par conséquent, ils doivent légiférer. Invoquant la laïcité, l’égalité des individus et des sexes, ils bricolent des lois qui interdisent la «couverture faciale» ; des lois qui, plus que de sanctionner les contrevenantes, amènent à incriminer «l’autre» comme fauteur de « choc de civilisations».
Sylvoisal, Le spleen de Satan et Actéon, Vevey, Le Cadratin 2015, respectivement 68 p. et 30 p.
Le spleen de Satan est un savant mélange de deux genres, la poésie et le théâtre. Après D’Amour, de Mort et d’Infidélité en 2012, notre mystérieux poète reprend la forme du dialogue poétisé qu’il avait déjà employée pour donner son interprétation personnelle de la fin de Tristan et d’Yseult. La première page, avant la levée du rideau, fait penser au prologue du jongleur qui annonce au public « l’étrange histoire » qu’il chantera, celle des mortels et des dieux, celles de « l’âme à ses démons livrée. » Mais ce qui suit est plus proche du théâtre de Racine que d’une chanson de Geste. Des dialogues en alexandrins entre l’Ame, l’Ange et Satan, qui sont ici personnifiés, nous amènent au cœur même du mystère de l’homme qui est « Abel et Caïn issus du même père ».
Pour la deuxième édition d’Il est une foi, l'Eglise catholique romaine - Genève (ECR) donne rendez-vous à la population autour d’un riche programme : « 16 films, des débats et de belles occasions de rencontre ». Gérald Morin, qui fut pendant six ans l’assistant de Fellini, est le directeur artistique de la manifestation. Il explique les choix de cette édition, présentée sous le titre de Trouble : «Après avoir axé la programmation l’année dernière sur la période du Moyen Age, l’idée est de proposer une réflexion, à partir du cinéma, sur la situation de la religion catholique dans nos sociétés civiles : ce qu’elle apporte, comment elle est vécue de l’intérieur, les limites de l’institution quand elle est liée au pouvoir, etc.» Une situation qualifiée globalement de trouble.
Frère Roger de Taizé, Dynamique du provisoire. A l'écoute des nouvelles générations 1962-1968, Les Presses de Taizé 2014, 284 p.
En 1965 déjà, dans son livre Dynamique du provisoire que le pape Paul VI gardait toujours sur sa table, Frère Roger écrivait : « Autrefois, les schismes menaçaient. Aujourd'hui, c'est l'indifférence des plus jeunes. Ce que la nouvelle génération demande, c'est qu'on lui prouve qu'on vit l'Evangile dans sa fraîcheur première... en esprit de pauvreté, dans la solidarité avec tous et non seulement avec une famille confessionnelle ! Où est cette dynamique sinon dans un retour aux sources... une réconciliation. Car catholique ou protestantes, les générations montantes exigent la réforme des institutions vieillies. » Mais, poursuit-il, rien de durable ne s'accomplit sans une création commune ! Et cela, jour après jour, chaque membre de la communauté de l'Eglise participe à la recréation du corps tout entier. Et seul celui qui a le sens des continuités peut être au bénéfice du provisoire.
José Davin, Les personnes homosexuelles. Un arc-en-ciel dans les nuages, Namur, Fidélité 2014, 152 p.
L’orientation homosexuelle suscite de nombreuses interrogations et souvent déroute beaucoup d’entre nous. José Davin, prêtre jésuite, ayant une grande expérience pastorale avec les personnes homosexuelles, propose une réflexion sur l’homosexualité dans un livre émaillé de témoignages. Ce qui le rend très vivant et très émouvant. Ce qu’il demande, c’est un changement de regard, d’attitude, de la part de l’Eglise bien sûr, mais aussi de chacun d’entre nous : lorsque nous rencontrons une personne homosexuelle, c’est d’abord une personne que nous rencontrons et non pas une pratique sexuelle. Comme c’est le cas lorsque nous rencontrons une personne hétérosexuelle.
Michel Salamolard
En finir avec le « péché originel » ?
Paris, Editions jésuites/ Fidélité 2015, 288 p.
Un beau livre utile. Et j’insiste sur l’utilité, car il permet à un non spécialiste de s’orienter dans une problématique qui remonte à saint Augustin, qui comporte la difficile question des enfants non baptisés, c'est-à-dire qui porte aussi sur des croyances et des rites ancrés dans une tradition simplement transmise. Des questions qui finalement touchent à une interrogation séculaire : qu’est-ce que le mal, pourquoi y a-t-il du mal ? ; et avec saint Anselme : cur deus homo ?, pourquoi fallut-il un sauveur ?
Un coup de maître d’abord : une manière sûre et intelligente de séparer ce que la foi catholique a retenu de saint Augustin à ce sujet, et ce qui reste du registre de l’opinion personnelle. D’utiles précisions sur la notion de « dogme » sont à retenir à cette occasion.
Karlijn Demasure (dir.)
Se relever après l’abus sexuel
Accompagnement psycho-spirituel des survivants
Bruxelles, Lumen Vitae 2014, 104 p.
L’objectif de cette collection d’articles est double : «aider activement les victimes à se reconstruire par la rencontre de l’autre» et mettre en route des personnes qui vont «activement à la recherche de l’autre pour l’inviter à rompre le silence».
Cet ouvrage donne des clés aux thérapeutes et aux accompagnants spirituels pour leur permettre de rouvrir aux survivants les portes de la société. Le mot survivant est intentionnellement utilisé pour souligner que les victimes ont une possibilité de vivre au-delà de l’abus, en intégrant la réalité de celui-ci de telle façon qu’elle ne mortifie plus l’abusé.
Timothy Radcliffe
Chemin de croix
Paris, Cerf 2015, 132 p.
L’auteur, dominicain, a été maître de l’ordre des prêcheurs de 1992 à 2001 et s’est fait connaître internationalement par ses analyses et ses prises de position courageuses et libres, ouvertes sur la société contemporaine et enracinées dans la tradition.
La première station de son chemin de croix commence par une phrase cinglante : « Le procès de Jésus est une farce ! Pilate ne le croit pas coupable... Est-il un cynique las, qui n’a rien à faire de la vérité ? A-t-il peur des accusateurs ? » De là, l’auteur pose son regard sur notre monde où tant de gens subissent l’exécution pour des raisons semblables ! Les Noirs pauvres des Etats-Unis sont souvent condamnés à mort sans être réellement défendus par leurs avocats, qui semblent se désintéresser de leur cas. Et nous ? N’agissons-nous pas souvent ainsi, condamnant des gens sans prêter attention à ce qu’ils pensent et font réellement ?