Nathalie Becquart, Yves de Gentil-Baichis, L'évangélisation des jeunes, un défi. Eglise@jeunes2.0, Paris, Salvator 2013,122 p.
Lors de sa dernière année d'études de HEC, au cours d'un week-end d'initiation à la prière ignatienne, Nathalie Becquart vécut une expérience spirituelle très forte qui lui fit choisir la vie religieuse chez les xavières. Devenue directrice du Service national pour l'évangélisation des jeunes de France et responsable de la pastorale étudiante, elle a acquis la conviction profonde que les jeunes peuvent être les premiers acteurs de la nouvelle évangélisation. Elle nous rend attentifs au fait que nous assistons à une révolution culturelle et anthropologique considérable, qui concerne autant l'Eglise que la société.
La première caractéristique des jeunes, c'est d'être connectés. Ils ont grandi la souris à la main et leur appartenance première, avant celle à tel pays ou à telle ethnie, est à l'humanité. Ils sont branchés sur l'ailleurs et vivent dans l'aujourd'hui. Pourtant, reconnaît-elle, 20% des jeunes en France ne s'adaptent pas ou peu à ce monde et sont largués, 21% vivent sous le seuil de la pauvreté et 25% sont au chômage. Car ce qui est déterminant, ce sont les diplômes, et là les inégalités sont très fortes. Ceux des banlieues, qui échouent dans leurs études, dans leur recherche de travail, n'ont souvent d'autre solution que la violence des trafics ou l'investissement dans des pratiques religieuses qui peuvent leur communiquer fierté et cohérence. Pour ces jeunes, partage et solidarité sont des valeurs auxquelles se raccrocher.
Ainsi, ceux qui entre 18 et 30 ans deviennent croyants, n'entreprennent pas cette démarche pour imiter des parents ou leur faire plaisir, mais par choix personnel. Ce qui leur parle le plus, c'est la dimension de fraternité universelle (ils sont très branchés sur les questions de solidarité) et donc Taizé, où l'on pratique une vraie pédagogie de la prière pour initier au silence et au partage.
Partant de son rôle à l'aumônerie, Sœur Becquart confie à Yves de Gentil-Baichis, journaliste au quotidien La Croix, comment l'Eglise aide les étudiants dans leur recherche de logements ou de stages, ou lors de leurs examens en proposant, par exemple, des séjours de révision à l'aumônerie ou dans une abbaye. Mais, souligne-t-elle, l'écoute ne se fait pas uniquement dans un bureau ; elle passe souvent par un vivre ensemble, que ce soit dans le cadre d'un camp, d'un pèlerinage, d'une croisière-retraite, d'entrée en prière ou de JMJ.
Les jeunes, dit-elle encore, ont peur d'un engagement définitif, et apprendre le chemin de la fidélité se fait à travers des épreuves, que ce soit au sein des couples ou au cœur d'une vocation religieuse. Il faut les aider à poser des repères et à opérer un vrai discernement dans la liberté.
Dans ce dialogue avec son interviewer, la religieuse xavière, ayant à peine dépassé la quarantaine, révèle un enthousiasme certain et porte un regard plein d'optimisme sur le monde.
Sylvoisal, Chansons de geste, Le Cadratin, Vevey 2014, 76 p.
« Homme sans descendance sous un plafond d'ancêtres, à d'autres qu'à mes chiens, que pourrais-je bien dire » ? Ces 76 pages d'une poésie en prose, chant épique aux temps préchrétiens d'Orient, entraînent le lecteur dans une somptueuse évocation.
L'époque est sauvage et sans compromis, l'ordre qui préside aux destinées est immuable, tant dans sa cruauté que dans ses révélations. Temps de guerres, de conquêtes, de jougs et d'esclaves, de lignées. Temps absolu. Les mots du poète sont des arcs tendus, ils sont d'une force toujours renouvelée au fil des pages. Chanson de geste, la geste d'une épopée, le chant d'une fresque humaine et d'une quête folle : conquêtes, croisades. « Allez ! Allez ! Gens de partout, venus d'ailleurs, mes serviteurs, dites aux ronces, dites aux pierres et aux orties, dites aux crapauds et aux lézards, aux orvets, aux vipères : "L'homme né de la femme et qui monte à cheval naîtra demain de Dieu !" »
Chant prophétique dans une langue sublime, auprès de laquelle le mot poésie sonne mièvrement. « Je veux qu'on crucifie mille éléphants ce soir aux portes de Carthage, disait Scipion », le vainqueur de Carthage. A ces grandes épopées, il est rendu tribut d'un seul jet. Au sort des femmes, dans ces temps violents, comme à celui du tyran ou du vaincu.
Au fil des lignes, les yeux écarquillés, on avance dans des incantations et des récits qu'Homère, Pasolini ou Shakespeare, qui n'avaient pas peur de raconter sans fard, auraient aimés. Il y a de l'ogre dans cette prose, du Hannibal ou du Richard III dans ces images d'un ordre antique. Mais l'odeur des lys, la fuite d'un cheval au galop, la brebis blessée qu'on tient dans ses bras, l'amour pur entre amant et amante, tout cela est aussi dans ces lignes qui secouent le lecteur, dans un style qui vise sa cible d'un coup. « Le roi rentrait de guerre au son du tambourin, et l'aigle au vol rapide annonçait sa venue. »
Le deuxième récit conte le passage d'un royaume à l'autre : celui des guerres (car tels étaient les temps anciens) à celui de Dieu, des dieux. Tel ce roi qui ordonnait en tout et qui finit dans le reniement des fastes et du pouvoir, optant pour l'ascèse et le rien, qui est tout. Le récit s'intitule Qu'un chant pour lui se fasse entendre, celui qu'un scribe au crâne rasé raconte en donnant la parole à des femmes, servantes ou reines, qui ponctuent les faits comme un chœur antique. On est là dans une poésie strophique, proche du verset claudélien. « Après le meurtre et la luxure, voici l'honneur et le désert et le pain qu'on mendie. »
Entre les deux longs chants épiques, un poème, Chanson, qui condense en une forme plus contrainte (l'octosyllabe) les mêmes thèmes. Estourbissant. Edité aux Presses du Cadratin, chez l'un des derniers artisans imprimeurs.
Gilles F. Jobin, Jouer dans le noir,
Genève, Samizdat 2013, 84 p.
Gilles F. Jobin est né en 1948 à Bon - court (Jura) et vit à Delémont. En 2013, il publie son premier livre, composé de 73 vignettes en forme d'autobiographie, de fictions et d'éléments d'actualité. N'a-t-il pas eu le temps d'écrire avant ? Ou n'a-t-il pas connu l'envie ou la nécessité de publier ? Traversé par l'exigence et la tendresse de dire, son recueil est un condensé d'humanité. Et l'homme, un véritable poète.
Sylvain Thévoz : Votre recueil, ce sont 73 textes courts, de même dimension. Travaillez-vous « sous contrainte », qu'elle soit formelle ou stylistique ? Comment structurez-vous vos poèmes ?
La Dame de la Mer, d'Henrik Ibsen,
Théâtre de Beausobre, Morges, 14 avril
L'Anniversaire, de Harold Pinter,
Théâtre Alchimic, Carouge, du 27 mars au 16 avril
Créée au Théâtre de Carouge le 18 octobre, dans le cadre du Festival Wagner, La Dame de la Mer, cette pièce sombre d'Ibsen, est littéralement transcendée par l'imaginaire d'Omar Porras.
Constamment surpris, touchés, les spectateurs font un triomphe aux comédiens, traversés par l'élan fougueux de leur jeunesse. Le spectacle commence un peu en retard, car chaque soir, dans un Théâtre Kléber Méleau (Renens-Malley) surpeuplé, il faut caser une trentaine de spectateurs supplémentaires, et c'est Omar Porras lui-même, avec son bandana noir noué autour du crâne, qui les place un à un.
Ida, de Pawel Pawlikowski
The Dallas Buyers Club, de Jean-Marc Vallée
Anna, orpheline élevée dans un couvent en Pologne, est sur le point de prononcer ses vœux définitifs quand la supérieure lui enjoint de rendre au préalable visite à sa tante. La jeune novice se rend donc en ville chez cette Wanda qu'elle ne connaît pas, la seule famille qui lui reste.
Elève des jésuites comme Descartes et fils d'un tonnelier de Langres, Diderot fréquente les cafés et, comme plus tard Musset, il observe les joueurs d'échecs à la Régence. A trente ans, il épouse la fille d'une lingère et reçoit du libraire Lebreton la direction de l'Encyclopédie. Il est une espèce de touche- à-tout avec des parties de grandeur et d'autres d'abjection, mais sa verve et son allant font presque tout passer.
Le goût de Diderot : Greuze, Chardin, Falconet, David...
Fondation de l'Hermitage, Lausanne,
jusqu'au 1er juin
A l'occasion du tricentenaire de la naissance de Diderot (1713-1784), la Fondation de l'Hermitage a conçu un véritable musée imaginaire, inspiré des débats passionnés que le philosophe a consacrés à Chardin, Boucher ou David, prémices à la naissance de la critique d'art. Cette présentation réunit une sélection de peintures, sculptures, gravures et dessins que le Français a pu admirer de son temps au Louvre.
Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert
A Touch of Sin, de Jia Zhangke
Yves Saint Laurent est une biographie servie par deux pensionnaires de la Comédie française : Pierre Niney (LOL), qui interprète avec beaucoup de sensibilité le rôle-titre, et Guillaume Gallienne (Les Garçons et Guillaume, à table), qui incarne son associé et amant, Pierre Bergé.
C'est aux abords de Calcutta que le Père George Saju sj a fondé son centre pour enfants et adolescents issus de familles très pauvres. Des élèves de toute la région y reçoivent une éducation scolaire et s'initient à la beauté de la danse classique indienne. Ils découvrent que, grâce à la culture, un avenir dans la dignité est possible. La Mission jésuite de Suisse soutient ce projet avec engagement.
Albert Camus fait partie avec Jean-Paul Sartre de la génération des hommes sans Dieu ou des hommes de la mort ou du meurtre de Dieu de l'immédiat après-guerre. En ce temps-là les mots de Dieu, de métaphysique, d'athéisme et même d'humanisme étaient encore chargés de dynamite et de mystère. Ils n'avaient pas été banalisés, vulgarisés, démonétisés et laminés par la langue journalistique et publicitaire qui a cours aujourd'hui. La société de consommation n'en était qu'à ses vagissements. L'homme avait encore les yeux levés vers le Ciel ou du moins se souvenait de les avoir eus.
Rêves d'or, de Diego Quemada-Diez
Zulu, de Jérôme Salle
Découvrir un film d'un réalisateur qui nous est inconnu, c'est faire une rencontre ; une brève rencontre dont on peut sortir bouleversé si le film rejoint, par des voies mystérieuses, notre sensibilité en profondeur. C'est ce qui m'est arrivé en voyant Rêves d'or, le premier long-métrage de l'Hispano- Américain Diego Quemada-Diez. Par son sujet éprouvant - la migration d'un groupe d'adolescents d'Amérique centrale vers l'Eldorado étasunien - La Jaula de Oro rappelle d'autres films récents, comme Los Salvajes (in choisir, avril 2013) ou Sin Nombre (2009) ; mais il s'en distingue par son humanité, sa poésie, sa délicatesse.
Classique de la littérature jeunesse, lu et relu par des générations de parents, « Le Petit Prince » plonge son lecteur dans un univers de rêve et de magie. En nous dévoilant les mystères de l'enfance, il contribue à donner une vision plus essentielle de notre âme et nous rappelle, à la veille de Noël, qu'« on ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux ».