Spécialiste de la littérature française du XVIIIe siècle, c’est à l’école de Rousseau que Claude Habib s’est mise à revoir sa pensée féministe universaliste, inspirée par Simone de Beauvoir, et à reconnaître la valeur de la division sexuée. Dans son dernier livre sur «la question trans», elle montre comment l’expansion des demandes de transition d’identité suscite de nouvelles interrogations et divisions au cœur du féminisme.
Claude Habib est professeure de littérature et linguistique françaises à l’Université de Paris III. Elle est membre du comité de rédaction de la revue Esprit et du comité de la collection Littérature et Politique aux éditions Belin. Elle a écrit plusieurs ouvrages autour des relations amoureuses et un livre récent sur La question trans (Gallimard, 2021). Nathalie Sarthou-Lajus, est philosophe, rédactrice en chef adjointe de la revue Études.
À 26 ans, Marius Diserens se définit comme queer. Mais ne lui demandez pas de se dévoiler davantage. Homme, femme, non binaire... «Les identités de genre permettent à une personne de se définir pour elle-même.» Il, elle ou iel n’a pas l’obligation d’afficher la couleur en public. Son identité de genre fait partie de son intimité. Et certaines identités semblent plus floues que d’autres. Celle de no gender ou de non binaire notamment. Entretien.
Spécialiste en inclusion et diversité, plus particulièrement des questions sur la masculinité et les communautés LGBTQIA+, Marius Diserens a suivi son master en études genre à l’Université de Genève. Il est élu vert au Conseil Communal de Nyon, activiste, professeur de yoga et coordinateur général du festival Les Créatives.
Depuis le 1er janvier 2022, les personnes transgenres et intersexes domiciliées en Suisse peuvent plus facilement changer de sexe à l’État civil. Elles n’ont notamment plus besoin de se soumettre à des examens médicaux préalables.[1] La simplification des procédures administratives vise à alléger un parcours identitaire souvent jalonné de tourments. Mathilde,[2] 55 ans, a entrepris tardivement sa «mutation», officialisée en 2016 par une nouvelle carte d’identité libératrice. Un parcours qu’elle a accepté de relater.
Il y a 36 ans, le 26 avril 1986, le monde apprend hébété l'explosion du réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl. La pire catastrophe nucléaire de l'Histoire. Elle entraîne le rejet brutal de produits radioactifs dans l’atmosphère, des émissions qui se poursuivent jusqu’au 5 mai. Le nuage radioactif survole alors une grande partie de l’Europe. Entre mai et octobre 1986, des ouvriers construisent un sarcophage de métal et de béton enfermant le réacteur et sa radioactivité, consolidé dans les années 90, puis recouvert d'un nouveau sarcophage en 2016. La forêt alentour (surnommée depuis la forêt rousse) est rasée et les végétaux ensevelis sur une surface de 4 km².
Pourquoi le christianisme a-t-il tant tardé à défendre l’abolition de l’esclavage? Comment a-t-on pu si longtemps s'accommoder de cette insoutenable contradiction associant une religion prônant l'amour de son prochain avec la réalité de pratiques esclavagistes attentatoires à la dignité humaine, parfois justifiées par des alibis religieux, voire génératrices de profits pour l'institution ecclésiastique? Dans son ouvrage Christianisme et esclavage, l’historien français Olivier Grenouilleau offre un nouvel éclairage sur cette vaste question. Propos recueillis par Guilherme Ringuenet pour cath.ch.
La traite des êtres humains est, après le trafic d’armes, l’un des marchés les plus profitables au niveau international. Le développement des technologies de l’internet a contribué à l’essor de ses territoires de recrutement et d’exploitation. Chaque pays est devenu un lieu d’origine, de transit et de destination de ce trafic. Une marchandisation des personnes qui trouve son origine dans notre «culture du déchet» et notre système économique.
Le 9 mars, l’Université de Genève (UNIGE) annonçait le lancement d’une plateforme destinée à accompagner les États et les particuliers dans la restitution d’objets spoliés dont regorgent nos musées. Parmi eux nombre d'œuvres symboliques, issues notamment des colonies, dont la valeur sacrée a été écrasée par la valeur muséale. Cette initiative vise notamment à «favoriser la justice transitionnelle en participant à la reconnaissance de certaines exactions passées», indique l’UNIGE.
Dès aujourd'hui, envoyez une carte postale électronique à Mme Sommaruga pour lui demander de prendre une décision courageuse dans le cadre de la révision de la loi sur le CO2 ! Une proposition induite par Action de Carême, l'EPER et Être Partenaires qui rappellent: «Il est impératif de prendre des mesures concrètes et efficaces pour que la Suisse atteigne zéro émission nette d'ici 2040. C'est la seule manière de garantir la justice climatique et de soutenir celles et ceux qui subissent le plus les conséquences du réchauffement climatique.»
Les invisibles, les transparents… Deux termes que j’hésite à utiliser pour désigner les 735'000 personnes qui vivent en Suisse au-dessous du seuil de pauvreté (9% de la population) et les quelque 600'000 autres qui se situent juste au-dessus.[1] Les «pauvres» ne sont pas invisibles, ni transparents. Ils et elles sont de chair et d’os comme tout le monde, ils et elles prennent le bus, font leurs courses, amènent leurs enfants à l’école. D’ailleurs, ces enfants sont aussi pauvres et ils sont visibles.
Par une belle journée de juin 2020, Tamara Pellegrini rejoint quelques amis pour une sortie en bateau sur le Rhône. De retour sur le quai, elle est prise d’un violent «mal de mer». Tout tangue autour d’elle et elle a des nausées. Dès lors, rien ne sera plus comme avant pour elle. Atteinte d’une maladie dite invisible, la jeune femme s’est depuis engagée à faire connaître cette notion et les difficultés qui lui sont inhérentes, en donnant la parole à d’autres malades.
Tamara Pellegrini est l’auteure d’une série de podcast intitulés Les invisibles où elle recueille les témoignages de personnes vivant avec une maladie invisible et déconstruit certains préjugés. Les épisodes sont disponibles sur toutes les plateformes d’écoute: Spotify, Apple Podcast, Podcast Addict, Youtube, etc.
Somaya[1] et moi avons travaillé ensemble pendant quelques mois dans sa ville d’origine, Jalalabad, où j’étais interprète et elle bénévole. Elle m’avait offert une longue robe verte qu’elle avait fait faire chez un tailleur de son quartier. Elle était si longue que je me prenais les pieds à chaque pas dans les pans de tissu. Après mon départ, nous avons gardé contact de loin en loin, puis depuis l’été 2021 très régulièrement. Somaya cherche à fuir par tous les moyens.
Mathilde Weibel a été interprète pashto/dari/français à Lesbos pour une ONG médicale, puis à Kaboul pour le CICR. Elle est l’auteure de L’espoir piégé: avec les réfugiés de Lesbos (Harmattan 2021), et de Place des Fêtes. Journal d’un exil parisien (Bord de l’eau 2018).
Le Moyen Âge a une expérience particulière de l’invisible; il est même l’inventeur du mot, puisqu’il passe, au XIIIe siècle, du latin invisibilis au français pour désigner ce qui ne se voit pas. Or l’invisible est une qualité récurrente à l’époque médiévale. Elle oppose le monde matériel et temporel que croient dominer les hommes au monde caché, spirituel et éternel qui recouvre la véritable essence des choses.
Olivier Hanne est un historien médiéviste et un islamologue. Il enseigne à l’École de Saint-Cyr. Il a publié une quinzaine d’ouvrages sur l’Islam et le Moyen-Orient. Dernier en date: L’Europe face à l’Islam (Tallandier 2021).