Jacques Chessex, Hosanna, roman posthume, Paris, Grasset 2013, 128 p.
Etienne Perrot, Exercices spirituels pour managers, Desclée de Brouwer, Paris 2014, 230 p.
Albert Longchamp sj, Renaissance : l'alcool ou la vie, Le Mont-sur-Lausanne, Ouverture 2014, 80 p.
Maurice Zundel : philosophe, théologien, mystique. Actes de la semaine théologique de l'Université de Fribourg, 16-19 avril 2012, Paris, Les Plans sur Bex, Parole et Silence 2013, 222 p.
Jãnis Rokpelnis, L'Aborigène de Riga, traduction Alain Schorderet, Octon, Grèges 2013, 156 p.
Howard Zehr, La justice restaurative, pour sortir des impasses de la logique punitive, Genève, Labor et Fides 2012, 98 p.
Pierrette Daviau (dir.), Femmes artisanes de paix. Des profils à découvrir, Montréal, Médiaspaul 2013, 286 p.
Jacques Ellul, Le Vouloir et le Faire. Une critique théologique de la morale, réédition, Genève, Labor et Fides 2013, 304 p.
Christof Betschart o.c.d., Unwiederholbares Gottessiegel Personale Individualität nach Edith Stein, Studia œcumenica friburgensia 58, Bâle, Friedrich Reinhardt Verlag 2013, 370 p.
Il n'est pas dans les habitudes de choisir de publier des recensions d'ouvrages en allemand. Faisons une exception pour cette thèse de doctorat d'un Suisse issu de l'Université de Fribourg, actuellement rattaché à une province française du Carmel. Le sous-titre en explicite le contenu : le problème de la personne humaine dans sa stricte individualité, selon Edith Stein (philosophe allemande d'origine juive, convertie, carmélite, gazée à Auschwitz en août 1941).
La thèse de Christof Betschart n'est pas un travail de pionnier, mais une recherche qui s'appuie sur de nombreux travaux antérieurs, ce qui rend d'autant plus méritoire toute innovation d'interprétation.
L'ouvrage comprend une manière de résumé (pp. 333-351) qui ne dispense pas de lire les autres chapitres mais peut servir de conclusion et, à la rigueur, d'introduction. A la rigueur, car il convient d'avoir à l'esprit une information de base : Edith Stein, phénoménologue, disciple de Husserl, s'est intéressée nécessairement au problème de la conscience, à ce que l'on pourrait appeler l'aspect « psychologique » d'une théorie de la connaissance. Elle s'est donc penchée sur le sujet humain non plus seulement dans la perspective de la conscience qu'il prend de son monde, mais dans le souci de savoir comment un individu se personnalise, devient responsable de lui-même et capable d'assumer des valeurs qui l'orientent.
Au cœur de cette recherche, vient se dessiner le motif d'une problématique particulière : celle d'un état de personnalisation qui, à l'opposé de tout blocage sur une conception égoïste de l'individu, apparaîtra bientôt comme une excellence d'individuation. Que répondre lorsque la question n'est plus : comment une progression vers des valeurs spirituelles contribue-t-elle à un processus de personnalisation ? mais : quelles sont les dimensions initialement spirituelles qui façonnent l'individu personnel ?
C'est en cherchant à répondre à cette question relative à l'anthropologie de Stein que l'auteur innove. On pourrait croire que l'idée de la personne porteuse de qualités proprement individuelles soit chez Stein une conquête théorique tardive, liée à son évolution vers le Carmel. Or il semble que « les principaux développements dans la compréhension de Stein ont lieu dans les premiers stades de sa recherche ». Autrement dit : s'il faut admettre que l'individualité est une qualité constitutive radicale de la personne, elle est ce que Betschart appelle « le sceau irrépétable de Dieu » sur l'âme humaine. Et c'est de cela que Stein aurait eu l'intuition, bien avant sa découverte explicite des valeurs de la religion positive et de la vie mystique.
Cette superbe thèse est donc que, dans la personne, avant toute prise de conscience explicite, une source est active et un noyau fécond. Elle se termine sur de riches considérations, proprement théologiques, portant sur l'analogie entre la conscience humaine et la conscience divine, trinitaire ou christologique.
Claude Besson, Homosexuels catholiques. Sortir de l’impasse, Paris, L’Atelier 2012, 138 p.
Est-il possible de vivre son homosexualité et sa foi chrétienne dans l’Eglise catholique ? C’est la question que pose Claude Besson, dans une réflexion approfondie. Douze années d’écoute respectueuse et d’échanges avec des homosexuels chrétiens au sein de l’association « Réflexion et Partage » lui permettent de dire que l’Eglise doit évoluer si elle veut arrêter de blesser des chrétiens authentiques. Elle doit avoir un langage audible et annoncer la Parole. Ainsi ce livre est ponctué de témoignages « qui ne sont pas là pour justifier une pensée », mais qui « révèlent des visages humains, des personnes que l’on ne peut pas enfermer dans un aspect de leur identité ».
Albert Rouet, L'étonnement de croire, Ivry-Sur-Seine, de l'Atelier 2013, 188 p.
Par un regard pertinent sur le monde actuel, Mgr Rouet, évêque émérite de Poitiers, analyse les causes qui génèrent l'indifférence dans tous les domaines : politique, société, religion, etc. Un sentiment d'insécurité saisit l'individu bouleversé par les mutations de toutes sortes. Livré à lui-même, seul parmi les autres, il peine à faire un choix libre et protège sa sphère individuelle. Se méfiant des intrusions extérieures, il se replie sur lui-même, ce qui accroît sa solitude : « Libre, il revendique sa capacité de choisir ; vulnérable, il ne le fait pas », note l'auteur.
Sur le plan religieux, cela conduit à un désintérêt vis-à-vis de toutes les formes de contraintes, de règlements ou de croyances. Mgr Rouet précise le rôle de l'Eglise en ce domaine : être proche de chacun en ce qu'il est, sans prosélytisme, sans attitude de domination, dans un souci d'écoute suscitant la confiance mutuelle : « Là où le monde concentre, il faut que l'Eglise décentralise ; là où il n'écoute pas les intéressés, il faut que l'Eglise écoute la voix de chacun. » Et d'insister sur la qualité du dialogue et l'attitude de Jésus, qui témoigne humanité et compréhension.
Marc Faessler, Qohélet philosophe. L'éphémère et la joie, Genève, Labor et Fides 2013, 320 p.
Le Qohélet, autrefois appelé Ecclésiaste, est un livre mystérieux. Son auteur est aussi énigmatique que les circonstances de sa composition (probablement au IIIe siècle av. J.-C.). Premier et unique livre « philosophique » de la Bible, Qohélet reste, par ses questions plus que par ses réponses, d'une actualité et d'une pertinence stupéfiantes.
Le théologien Marc Faessler, ancien directeur du Centre protestant d'études de Genève, lui a consacré un ouvrage remarquable, où il chemine avec le lecteur, approfondissant le sens de chaque mot. Il nous propose une traduction personnelle qui dépoussière certains termes.
Le premier thème de l'ouvrage, c'est l'éphémère. Le bonheur, la vie ne durent qu'un instant ; tout n'est que « vanité », dans le sens de vain, de vent. Le terme hébreu ével (Marc Faessler le traduit par buée) revient comme un leitmotiv ; il s'apparente (mêmes consonnes) à Abel, dont la vie a été brève mais bénie de Dieu, alors que l'humanité souffre encore de la caïnisation des rapports humains (« Suis-je le gardien de mon frère ? » Gn 4,10). Qohélet, se faisant passer pour Salomon, démontre avec force l'inanité des solutions proposées par le désir humain et ses pulsions. L'accumulation des biens, le savoir, le pouvoir, une certaine sagesse, tout cela est ével. Il évoque même la tentation du désespoir et, dans un verset magnifique de sensibilité, de l'alcoolisme.
La méditation se poursuit sur le thème du temps, dont l'hébreu distingue trois formes : le temps chronologique (zeman), celui de l'horloge ; le temps intérieur (ét), le seul qui nous importe, temps du présent qui ne reviendra pas, du moment favorable (le kairos des grecs), temps que nous actualisons par nos décisions et nos actions, en rapport avec nos désirs ; enfin, le temps caché (ôlam), insaisissable, mal traduit par éternité ou pour les siècles et les siècles. L'ôlam nous surplombe et, comme l'éphémère, nous ouvre à la Transcendance.
Après avoir semblé toucher le fond du désespoir (« A quoi cela sert-il de naître ? ») Qohélet nous fait entrer dans la grande surprise : l'éphémère, la souffrance sous toutes ses formes et la certitude de la mort n'empêchent pas ce qui nous tombe dessus comme un cadeau en plus de la vie : la joie ! La joie est inopinée, donnée, elle n'est ni liée aux conditions extérieures, ni prévisible par des dispositions psychiques, à l'opposé du plaisir que l'homme recherche, parfois jusqu'à l'addiction.
Pur hasard, clin d'œil du destin ? Non, dit Qohélet, qui, loin d'être pessimiste ou fataliste, suggère que pour être capable d'accueillir la joie, il faut s'y préparer, notamment en cherchant le Bien. Démarche possible seulement si l'on reconnaît qu'on n'est pas le centre du monde, mais que la vie, le monde et ses défauts, comme la joie, sont des dons.