Bernard Minier
M, le bord de l’abîme
Paris, XO 2019, 576 p.
L’intelligence artificielle (IA) fascine et inquiète, non sans raisons. Elle est au cœur de ce thriller noir, dont la trame de facture classique -deux policiers se lancent sur les traces d’un assassin en série pervers sévissant à Hong Kong- sert de prétexte, comme dans la plupart des bons polars, à la peinture d’un monde sombre.
Marie David et Cédric Sauviat
Intelligence artificielle, la nouvelle barbarie
Monaco, du Rocher 2019, 314 p.
Pour Marie David et Cédric Sauviat, ce dernier présidant l’Association française contre l’intelligence artificielle, celle-ci s’inscrit dans une fuite en avant technologique vers toujours plus de déresponsabilisation. L’Intelligence artificielle est décrite comme «un projet technoscientifique d’exploitation utilitaire du monde (…) par essence, totalitaire». «Ce n’est (...) pas un hasard, écrivent-ils, si l’intelligence artificielle et les technologies du vivant se développent en même temps.»
Les auteurs de fait n’accordent guère de crédit à une contribution positive, ni aux possibilités de distinguer aide à la décision et décision, capacité de réactivité de la machine et capacité de pilotage de l’être humain. Leur livre met l’accent sur les retombées négatives de l’IA.
Cet essai vient à son heure. Il est d’une belle intensité théologique et spirituelle. Sa principale force, à mes yeux, consiste à offrir de précieux repères aux chrétiens comme à des personnes en recherche pour comprendre ce qui fait l’originalité d’une spiritualité chrétienne, sans pour autant dévaluer d’autres approches. L’étude et la méditation de l’évangile de Jean, auxquelles le théologien protestant Jean Zumstein s’est longuement consacré et qu’il a explicité et commenté dans d’autres ouvrages, trouvent ici un aboutissement concret dans cette proposition d’itinéraire spirituel.
Jean Zumstein, Sur les traces de Jésus. Un essai de spiritualité chrétienne, Labor et Fides 2021, 248 p
Lire les Écritures interroge et souvent déconstruit, ce n’est jamais une entreprise de tout repos. Le lecteur n’est pas maître du texte. Car lire avec un esprit critique signifie évaluer, discerner, choisir. La critique n’étant pas polémique -elle examine plutôt qu’elle ne distribue les bons ou les mauvais points- l’auteur, professeur de Nouveau Testament et de transitions chrétiennes anciennes à l’Université de Lausanne, insiste dans cet ouvrage sur le fait que «foi et compréhension» font cause commune. La foi revendique une connaissance de l’humanité. Lire les Écritures, c’est donc aussi accepter un détour par l’ailleurs: le monde des premiers chrétiens ou de l’Israël, un monde qui n’est pas superposable au nôtre.
Simon Butticaz, Le Nouveau Testament sans tabous, Genève, Labor et Fides 2019, 192 p.
Ce livre se veut un hommage à tous les étrangers qui contribuent à faire rayonner Genève sur la scène internationale. Il consiste en 126 portraits sur deux pages, accompagnés d’une photo, d’hommes et de femmes d’origine étrangère établis dans notre canton (un par pays représenté). Parmi eux, se comptent très peu de fonctionnaires internationaux, alors même que l’ouvrage a été conçu en vue du centième anniversaire de la Société des nations (l’ancêtre de l’ONU), célébré le 15 novembre 2020. Un choix délibéré que l'auteur, le journaliste Zahi Haddad, explique.
Le théologien suisse Hans Küng est décédé mardi 6 avril, à l’âge de 93 ans. Très critique envers l’Église, il s'était vu interdit d'enseigner la théologie par le Vatican en 1979, suite à une controverse sur le dogme de «l’infaillibilité» du pape. Il avait toutefois été maintenu comme professeur à l'Université Eberhard Karl de Tübingen, où il était directeur de l'Institut des recherches œcuméniques. Très tourné vers le dialogue interreligieux, il œuvrait au sein de la Fondation pour une éthique planétaire et a reçu le Prix Niwano de la paix en 2005. Ses mémoires, publiées il y a quelques 10 ans, permettent de mieux découvrir l'homme, ses convictions et son travail.
Hans Küng, Mémoires II 1968-1980. Une vérité contestée, Novalis/Cerf, Montréal/Paris 2010, 732 p.
Les Églises ont-elles raté le coche en matière d’écologie? Peut-être pas, mais elles ont pris du retard. Un collectif revient sur l’histoire de l’émergence d’une conscience écologique dans les communautés chrétiennes. L’ouvrage Églises et écologie. Une révolution à reculons part du constat que les Églises, tant catholiques que protestantes, sont porteuses d’innovations majeures en matière sociale, mais ont tardé à s’engager en faveur de l’écologie.
La crise du coronavirus a accentué la pertinence d’un cadre de référence clair en matière de développement durable. L’expert en durabilité René Longet décrypte dans cet ouvrage les contenus, les conséquences et les cibles des Objectifs de développement durable (ODD) émis par les Nations Unies.
René Longet, Un plan de survie de l’humanité. Les objectifs de développement durable, Jouvence 2020, 192 p.
Chaque trimestre, la revue choisir présente une sélection de recensions d'ouvrages.
«Pour faire évoluer la place des femmes dans l’Église, tout n’est pas à attendre des papes; c’est aussi aux femmes de prendre en main leur destin», déclare Bénédicte Lutaud. Dans son livre Femmes de papes, la journaliste retrace le parcours hors norme de cinq femmes au Vatican. Chacune d'entre elles, à sa manière, -Wanda Poltawska, sœur spirituelle de Jean Paul II, Pascalina Lehnert, véritable mère de substitution pour Pie XII, Mère Tekla, «agente 007» au service de Jean Paul II, Hermine Speier, archéologue de renom aux Musées du Vatican et Lucetta Scaraffia, soixante-huitarde convertie au catholicisme- s'est créé de son propre chef un rôle au Vatican et a su imposer sa présence.
Bénédicte Lutaud, Femmes de papes, Paris, Cerf 2021, 394 p.
«La commission Bergier, mise en place officiellement pour faire la lumière sur le comportement de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale, n’avait pas jugé utile d’établir à la fin du XXe siècle combien de Juifs avaient été refoulés et combien de ceux qui avaient été refoulés avaient péri à la suite de ce refoulement. Cette lacune était une faute», écrit Serge Klarsfeld dans sa préface. Le livre de l'historienne genevoise Ruth Fivaz «met fin aux polémiques sur le nombre de refoulés, qui ne dépasse certainement pas le nombre de 3000, dont moins d’un tiers ont péri à la suite des refoulements dont ils ont été victimes et que la Suisse aurait pu accueillir», dit encore le préfacier.
Ruth Fivaz-Silbermann, La fuite en Suisse. Les Juifs à la frontière franco-suisse durant les années de «La solution finale», Paris, Calmann Lévy/Mémorial de la Shoah 2020, 1448 p.
Poésie engagée, poésie philosophique et spirituelle, poésie politique… Pierre Santschi, ex-député au Grand Conseil vaudois -vert devenu hors parti-, a pris la difficile voie d’exprimer ce qu’il pense et ce qu’il croit en stances classiques, en alexandrins et autres métriques. Dans ces poèmes et pamphlets, il ne mâche pas ses mots pour fustiger les «élites» suisses, les partis, la corruption, etc. Il nous parle de justice, de «blablacratie», de chômage, de climat, de culture, d’économie, des limites de la croissance, de populisme, des pouvoirs… mais aussi de bonheur, d’enthousiasme, d’essentiel, de beauté, de création et d’univers… pour «rendre grâces à la Source de Vie».