Nous sommes le 28 juin 1914, cela fait la une des journaux: l’archiduc François-Ferdinand vient d’être assassiné en pleine rue. À la maison, la nouvelle a très peu ébranlé mes parents. Pour eux, ce qui compte avant tout, ce sont les moissons qui vont bientôt arriver. Nous continuons à vivre normalement, bercés par notre insouciance. Malgré cela, là-bas, en Autriche et en Serbie, cela continue de gronder et les journaux nous le rappellent, en faisant du moindre geste d’un quelconque dirigeant un aveu que les journalistes étalent sur les pages des médias.
L’ivresse révèle-t-elle les génies littéraires ou les entraîne-t-elle vers leur perte? Nombre de cas de ces derniers siècles indiquent une relation ambigüe entre la consommation d’alcool et le processus d’écriture de grands auteurs. Poètes buveurs d’absinthe ou romanciers assistés de vin et de whisky, devaient-ils boire pour écrire ou l’écriture les a-t-elle guidés à travers des angoisses que seul l’alcool arrivait à soigner?
Hier traîtres, sommés de se déguiser en passe-muraille, aujourd’hui passeurs de culture, les traducteurs ont vu leur image changer au gré des pratiques professionnelles qui sont les leurs, mais aussi de l’esprit du temps. Ils suscitent aujourd’hui un intérêt qui surprend les plus anciens d’entre eux. Peut-être faut-il voir en eux des figures parmi d’autres de la mondialisation culturelle et d’un idéal d’«hospitalité» encore à définir.
Sylviane Dupuis analyse, dans un essai de haute tenue, l’influence des Écritures sur la littérature romande du XXe siècle, de Chessex à Ramuz, de Bille à Chappaz. «Réserve d’images, de fables, de figures ou de préceptes», la Bible a été, au cours du XXe siècle, un foisonnant abreuvoir pour les écrivains romands. Bien que majoritairement agnostiques, les auteurs de Suisse romande n’ont pas fait l’impasse sur les deux Testaments et sur ce que ces derniers ont injecté dans leur chair et dans leur langue. Au point d’y faire largement référence.
«Tu m’as pris l’océan, tu m’as pris l’Espace.
Tu m’as laissé un timbre-poste pour m’y loger
de barreaux de prison entouré.
Le résultat? Aucun je pense:
tu m’as laissé mes lèvres
qui forment les mots
et le silence pour les former.»
Ossip Mandelstam
Poète, traducteur, spécialiste de J.-J. Rousseau, de M. Foucault et de C. Pavese, dont il a supervisé l’édition des Œuvres chez Gallimard, Martin Rueff a enseigné plusieurs années la philosophie (niveau universitaire) à la prison de la Santé de Paris. Il a animé de 2015 à 2018 un programme d’écriture créative à l’établissement pénitentiel genevois Curabilis. Il est professeur de littérature française à l'Université de Genève.
L’histoire d’Œdipe pose la question de la destinée humaine. L’homme entend deux voix -deux voix sans visage. Deux voix qui lui montrent deux chemins opposés. La voix du philosophe et celle du poète. Enfant, c’est celle du poète, avec ses terreurs et ses extases, qui lui parle. Puis à l’adolescence, il entend la voix du philosophe. La voix de la famille, de la cité, de la société, du troupeau avec ses clergés et ses tables de lois. Peu à peu il oublie la voix solitaire et sauvage qui avait enchanté son enfance. La voix du blâme, la voix asociale et poétique et parfois prophétique.
Gérard Joulié (traducteur et écrivain) a été durant 40 ans le traducteur de l’anglais au français des éditions l’Âge d’Homme où il a publié La forêt du mal (2014) et Chesterton ou la quête excentrique du centre (2018). Il écrit aussi de la poésie sous le pseudonyme de Sylvoisal. Ce texte est tiré de Poèmes à moi-même.
Il a le verbe facile et le crayon alerte. Denis Kormann manie depuis quelques années les deux médias pour le plaisir de raconter des histoires. De prime abord, écrire n’était pas une vocation, au contraire du dessin qui anime sa vie depuis des décennies. Mais, après tout, pourquoi cloisonner les disciplines? Il y a bien des auteurs-compositeurs-interprètes. Denis Kormann, lui, est adaptateur, illustrateur et raconteur de contes et légendes suisses. Du livre à la scène, le pas pourtant n’était pas évident et il le franchit uniquement pour aller à la rencontre des enfants dans les écoles, avec un plaisir non dissimulé: «L’échange qui se crée autour des contes est magique.»
Graphiste de formation et illustrateur de cœur, comme il se définit lui-même, Denis Kormann a longtemps travaillé pour la presse. Aujourd’hui, le principal de son activité va à la création d’albums illustrés avec, notamment, sa trilogie Mon grand livre de contes et légendes suisses dont le troisième volet est à paraître.
Diplômée en Arts visuels de la HEAD-Genève, spécialisée en vidéo, Fanny Desarzens a participé au concours d’écriture pour jeunes auteurs lancé par choisir en 2019. Sa nouvelle a été particulièrement remarquée par les membres du jury, qui ont salué à l’unanimité sa construction et son écriture. Elle vient de paraître dans Le choix. Recueil de nouvelles de jeunes talents, coédité par la Revue choisir et Slatkine. Un livre que vous pouvez commander ici ou sur .
5 janvier 2020. Le petit est couché depuis une demi-heure. Au salon, le clavier de l’iMac cliquète à toute vitesse. Mon épouse et moi programmons un voyage à Saint-Pétersbourg en juin, pour les nuits blanches. Mon épouse est russe et notre garçon n’a pas encore vu un centimètre carré de Russie. Il est grand temps. On trouve des billets sur Swiss pour un prix acceptable (surtout si on les achète six mois à l’avance).
Le poète et écrivain vaudois Philippe Jaccottet est décédé le 24 février 2021, à l’âge de 95 ans. En 2010, la traductrice Mathilde Vischer présentait l'écrivain et son œuvre dans choisir, sous le titre: La quête de la justesse. «La recherche de la "justesse" -adéquation entre ce qui est perçu et ce qui est exprimé- est au centre de sa quête poétique, écrivait-elle. Elle transparaît à travers les thèmes les plus présents dans son œuvre, tels que la description du paysage, l’effacement, la lumière, le travail sur l’image, l’affrontement avec la mort, le rapport à l’illimité.»
Quête de liberté pour le héros et enquête sur ses propres origines pour l’auteur, Comme des Mohicans est un roman initiatique et d’aventure, entrecoupé d’expressions patoisantes, qui a pour cadre le Valais de la fin du XIXe siècle. Une terre soumise au carcan de l’Église et pétrie de lourdes conventions sociales et familiales, mais sur laquelle fleurissent herboristes et contrebandiers, comme autant d’ouvertures sur l’horizon.
Philip Taramarcaz, Comme des Mohicans, Genève, Slatkine 2020, 228 p.
Le Prix Jan Michalski de littérature 2020 a été décerné à Mia Couto pour sa trilogie Les sables de l’empereur (Éditions Métailié, 2020), une œuvre parue dans sa version originale portugaise As areias do imperador entre 2015 et 2017 (Editorial Caminho), et traduite en français par Elisabeth Monteiro Rodrigues. En cette année coronavirienne, le Prix a été remis sans cérémonie, mais avec un événement en ligne mercredi 9 décembre sous la forme d'interventions à suivre dès 9 heures, et accessible ensuite à toute heure sur le site www.fondation-janmichalski.com/